Seul en bord de piste, j’apprécie le silence et l’immobilité de l’air avant que les hordes de visiteurs ne se mettent en branle. Il est 8:30 et je fais partie des premiers skieurs en piste. Soudain, un souffle sec derrière-moi. Je me retourne rapidement. Le chevreuil me regarde droit dans les yeux, immobile. De lui ou de moi, je ne saurai jamais lequel est le plus surpris. Il détale, je souris. Bienvenue à Tremblant pour le week-end pascal.

Le pélérinage

À chaque année, ma gang et moi nous rendons à Tremblant pour Pâques. Préférablement le Vendredi Saint. À défaut de trotter le long des sentiers de Compostelle, nous faisons de notre tradition un pélérinage annuel. Planifié depuis trois semaines, notre sortie tombe pile sur un jour de beau temps. Chanceux! Les conditions sur le versant nord demeurent fermes toute la journée; tout au plus la neige de surface ramollira-t-elle en après-midi. Il faut dire que les premières descentes s’avèrent dures sur le corduroy regelé durant la nuit. Une fois défaits, les magnifiques sillons neigeux font place à des surfaces très lisses et également fermes qui nous incitent à délaisser les pistes noires du versant nord afin de rechercher les plus avantagées par le soleil: au versant sud. Ah! En cours de matinée ça ramollit et on augmente la vitesse sans crainte de prendre le clos. Nous ne sommes pas les seuls en pélérinage. Les Ontariens, Américains et autres Québécois ne cessent de peupler les pistes et les files d’attente aux remontées. Et ça fait partie dudit pélérinage: partager le bonheur des autres skieurs et planchistes en cette journée glorieuse! Quand nous quittons, vers 16:00, le stationnement se vide rapidement. Les sourires et les pas traînants autour du chalet en disent long.

Les rituels

Il n’y a pas de vie en communauté sans rituels. Ceux de ma gang sont plutôt conventionnels: on s’appelle trois semaines avant la fin de semaine de Pâques, on confirme notre présence trois jours avant et chacun apporte de quoi partager avec les autres au lunch. L’idée c’est de surprendre les autres avec quelque chose qui sort de l’ordinaire. Bien qu’il ait fait des efforts pour nous surprendre, Tom n’a pas beaucoup de succès avec ses sandwichs au thon et au wasabi… Et on finit la journée autour de mon auto avec une p’tite bière. Dehors au lunch, j’observe les nombreux visiteurs qui ont leurs propres rituels assis autour de leurs tables à picnic et leurs chaises longues ou autres. Entre le saumon fumé, les carottes râpées, les branches de céleri au Cheez Whiz, les rouleaux impériaux dégoulinant de sauce au poisson, on peut dire qu’il y en a pour tous les goûts. Sans oublier les Riesling, Dieu du ciel Sentinelle et autres Perrier. Les rituels dépassent cependant le simple repas. Les costumes et accoutrements farfelus agrémentent les files d’attente. Les baisers furtifs aussi.

La tire d’érable

C’est le printemps, la sève monte. Tout le monde sait ça. Tremblant accueille une petite station où l’on peut se sucrer le bec avec de la tire. Elle chauffe sur place, et le parfum qu’elle dégage est franchement irrésistible. Comme tout ce qui est ici aujourd’hui. De belles conditions de glisse, du beau monde et des sourires attachants. Alors que nombre de stations deviennent de plus en plus désertes en cette fin de saison, Tremblant ne désemplit pas. Tous ceux qui sont déjà venus à la station en fin de saison savent de quoi il en retourne. Et ils reviennent à chaque année. Le prix du billet demeure relativement élevé comparativement aux autres stations des Laurentides. Cependant, aucune autre n’offre la même atmosphère qui transforme un pélérinage en party, un rituel en évènement mémorable ni même la tire d’érable en or sucré.

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Patrick Teasdale
Patrick Teasdale aime beaucoup jouer dehors. Télémarkeur depuis longtemps, il explore maintenant les possibilités du ski de randonnée alpine. Il troque volontiers sa pagaie groenlandaise ou ses skis pour une tasse d'excellent thé vert japonais. Un brin poète et idéaliste, il ne demande qu'à être émerveillé par une trouée de lumière, un chant d'oiseau ou une lame de neige. Il aime soigner ses chroniques et ses photos.