Pour la majorité des skieurs, la station de ski Tremblant ayant célébré son 75e anniversaire en 2024, cela implique que le ski alpin a commencé au Mont Tremblant en 1939, avec l’ouverture d’une remontée mécanique. Dans les faits, on pratiquait le ski au Mont Tremblant bien avant l’ouverture de la station de ski.

Mes recherches dans les journaux de l’époque me permettent de remonter jusqu’en 1930. Le Red Birds Ski Club a été fondé en 1928, et dès 1930, le club a organisé une descente en ski au Mont Tremblant. La montagne était alors essentiellement une forêt, et il est facile de réaliser que de se rendre au sommet et en descendre a été très difficile et dangereux pour les 8 concurrents. En 1931, c’est 10 skieurs qui ont participé à cette compétition.

En 1924, un groupe de skieurs anglais a fondé un club de ski à Murren en Suisse et lui a donné le nom de Kandahar, en l’honneur du feld-maréchal Roberts of Kandahar. Celui-ci donna un trophée portant son nom. La première compétition a été un slalom, et plus tard on ajouta une descente. En 1932, le club Kandahar accepta de donner un trophée à l’Association Amateur Canadienne de Ski, et on lui donna le nom de trophée Québec-Kandahar. La compétition devait se tenir au Québec, et le gagnant du trophée était le skieur avec le meilleur temps d’un combiné descente et slalom.

Sans surprise, il a été décidé de tenir la compétition au Mont Tremblant, et Herman Smith-Johannsen « Jackrabbit » (photo de lui ci-dessous) a été impliqué dans sa préparation et son déroulement. Il avait alors 56 ans. Le samedi 12 mars 1932, celui-ci et le groupe de 21 concurrents, après un effort de plus de 2 heures, sont arrivés à la tour à feu, point de départ de la descente. Il a ajusté sa montre avec le responsable des départs, puis il a descendu jusqu’à la ligne d’arrivée. On avait décidé d’une heure pour le premier départ, puis un départ à toutes les minutes dans un ordre déterminé. « Jackrabbit » enregistrait l’heure d’arrivée des participants et c’est ainsi qu’on déterminait le temps des coureurs. Des membres du Red Birds Ski Club agissaient comme officiels.

Un journal rapporte que le haut de la piste n’était pas déboisé et que les concurrents devaient trouver le meilleur chemin pour descendre. L’ensemble de la piste ne devait pas être dans un bon état car le temps du gagnant de la descente, Harry Pangman, a été de 15 minutes et 10 secondes. Le lendemain il y a eu le slalom. C’est Georges Jost, 3e de la descente, qui gagna le slalom, ce qui lui permet d’obtenir le meilleur temps au combiné. C’est pourquoi on retrouve son nom sur le trophée de 1932. J’ai trouvé amusant qu’un article de journal de juin 1932 recommande de se rendre au sommet du Mont Tremblant pour le beau panorama, tout en mentionnant qu’on y accède par un chemin de chèvre, abrupt et souvent difficile.

L’Association Amateur Canadienne de Ski remit en 1933 l’organisation des courses pour le trophée Québec-Kandahar au Red Birds Ski Club.

En 1936, un trophée permanent fût instauré, et on donnait un trophée souvenir au gagnant. Voici une photo de cet imposant trophée de quelque 36 pouces de haut (92 cm). Le gagnant du combiné descente et slalom en 1936 a été Viateur Cousineau. Il n’avait que 20 ans et est le fils d’un cultivateur de Ste-Adèle. C’est tout un talent naturel.

Louis Cochand ne gagna pas cette année-là le trophée Québec-Kandahar, mais il n’est pas parti les mains vides. Pour avoir terminé 2e du combiné, il reçut ce très joli trophée en forme de cruche de 21 cm de haut. Et pour avoir terminé premier du slalom, il reçut cet autre trophée de 20,8 cm de haut. Les 2 photos viennent du site du Temple de la renommée du ski canadien.

Si mes recherches ne m’ont pas permis de trouver des descendants de Viateur Cousineau pour savoir ce que sont devenus ses trophées, j’ai découvert qu’il n’est pas le seul Cousineau à être un très bon skieur. En effet, Alain Cousineau a gagné le trophée Québec-Kandahar en 1971 et en 1974. De plus, sa fille Émilie a gagné en 1996 le trophée Red Birds en mémoire de Peter Ryan. Ce trophée permanent a été instauré en 1963 et est la version pour les femmes du trophée Québec-Kandahar. Je les remercie pour cette photo de leurs 3 trophées.

À l’hiver 1935-1936, il y avait 3 pistes au Mont Tremblant, la Kandahar, la Taschereau et la Dawes. La Dawes était une piste pour le ski de randonnée qui partait du sommet de la montagne pour se rendre à des sommets avoisinants.

Comme les courses de descente devenaient de plus en plus populaires, le Club de ski de St-Jovite organisa pour la première fois en 1936, sous les auspices de l’Association Amateur Canadienne de Ski, des compétitions de descente pour les hommes et les femmes, ainsi que pour la classe junior pour garçons de 13 à 17 ans. Les courses se faisaient dans la piste Taschereau, plus facile que la piste Kandahar. On donnait un trophée pour la première et la deuxième position.

Le Premier Ministre du Québec, l’honorable L.-A. Taschereau, a donné un trophée permanent pour la descente de la classe junior. Il est dit dans un journal qu’on le prêtait au gagnant jusqu’à la course de l’année suivante. À la fin des années 1960, le trophée a disparu. Plus de 50 ans après les faits, difficile pour moi de dire si c’est suite à un incendie, à un vol, ou pour une autre raison. La plus ancienne photo que j’ai trouvée de celui-ci vient d’un journal de février 1948. On y voit le vainqueur, Jack Griffin. On lui remit aussi le tout nouveau trophée Brading, offert par la Brading Breweries Limited. Il reçut également le trophée du Club de ski de St-Jovite.

Sur la droite, on voit la jeune Lucille Wheeler, 13 ans, gagnante dans un temps record de la descente Classe B pour dames.

Cette photo date des années 1960. On remarquera que le gagnant du trophée Taschereau a mis dans celle-ci le trophée Brading. S’il y a beaucoup de trophées sur la photo, c’est que cette compétition est maintenant ouverte aux filles, et qu’elle est devenue un combiné descente et slalom, donc avec plusieurs possibilités de gagner un trophée.

Pour ce qui est de la descente réservée aux hommes de la classe B, Claude Auclair m’a envoyé cette photo du trophée de 1944. Ce trophée a voyagé, car il a été découvert par pure chance dans l’Ouest américain. Celui-ci fait 13 pouces de haut (33 cm). Son gagnant est A. McDougall. Il est à noter qu’Émile Cochand, frère de Louis Cochand, gagna ce trophée en 1941.

Je me demandais pourquoi le trophée avait 2 commanditaires, ce qu’on ne voit pas normalement. Sur le trophée, il est indiqué ‘Club Ski St. Jovite’, et ‘Trophée Gray Rocks Inn’. Mes recherches indiquent qu’en 1936 Tom Wheeler était en charge du Gray Rocks Inn, et que F. H. Wheeler était le président du Club de Ski de St. Jovite. Puis j’ai trouvé que le nom complet était Frederick Haskel Wheeler. La surprise a été quand j’ai trouvé le rapport entre ces 2 personnes. C’est la même personne, Tom étant le surnom de Frederick Haskel Wheeler.

Plusieurs des photos de cet article ont été prises de 1936 à 1939 par Raoul Clouthier. Celui-ci était directeur des services français aux relations extérieures pour la compagnie de chemin de fer du Canadien Pacifique (C.P.R.). S’il m’a été possible de mettre en contexte ces photos, c’est grâce aux commentaires que René, le fils aîné de Raoul, a ajouté dans les albums de photos.

Cette photo, qui a été faite en combinant 2 photos, montre le Mont Tremblant en 1936. C’était un parc provincial et il y avait dans la région très peu d’habitations.

Ces deux photos ont été prises en mars 1936 au lac Tremblant, le 2e photo montrant la rivière Cachée.

À l’époque, le trophée Québec-Kandahar était considérée comme la plus importante compétition de ski alpin dans l’Est de l’Amérique du Nord. Il n’est donc pas surprenant que des compétiteurs venaient au Mont Tremblant avec leur avion.

Aujourd’hui, il est facile de se rendre en hiver au Mont Tremblant. Mais en 1936, c’était une aventure. La majorité des skieurs venaient en train et débarquaient à la gare de Saint-Jovite. Plusieurs se rendaient en ski à Tremblant. Il était aussi possible d’y aller en traîneaux tirés par un tracteur à chenilles. Je n’avais jamais entendu parler d’un tel tracteur. Certains venaient en traîneau à chiens, comme pouvaient le faire les clients du Gray Rocks Inn.

Voici 2 photos montrant l’arrivée au bas de la montagne en mars 1936.

Raoul Clouthier et ses amis n’avaient pas peur de l’effort. Le 26 février 1937, ils ont décidé de se rendre au sommet du Mont Tremblant pour connaître l’endroit où se déroulera 2 jours plus tard la descente pour le trophée Québec-Kandahar.

Le Mont Tremblant était un parc provincial, mais dans les années 1930, on pouvait se permettre bien des libertés. C’est ainsi que Tom Wheeler du Gray Rocks Inn construisît un petit chalet près du départ de la piste Kandahar. On l’avait nommé White Peak. Mes recherches indiquent qu’il existait à partir de l’hiver 1932-1933, pour le confort des skieurs du Club de ski de St-Jovite, club qui venait d’être fondé. De plus, le fait qu’il est dit dans un article de journal que les skieurs de la descente du Kandahar de mars 1932 étaient gelés au moment du départ, confirme qu’il n’y avait pas alors de chalet pour se réchauffer.

Même si Raoul Clouthier avait 43 ans, il était encore jeune d’esprit. Il se devait donc de skier à partir du toit du chalet.

Le sentiment de calme au sommet du Mont Tremblant devait être incroyable.

Le 28 février 1937, Raoul Clouthier est retourné au sommet du Mont Tremblant pour assister à la descente. Il y avait une cinquantaine de concurrents, et sur ces photos prises vers 9.30 h, on en voit quelques-uns arrivant au sommet après entre 2 et 2.5 heures d’efforts. Sur la première photo à gauche, il y a une pancarte indiquant le point de départ de la descente.

Les concurrents se préparent pour la descente. Sur la 2e photo, c’est Viateur Cousineau, le gagnant de l’année précédente.

Au sommet de la piste Kandahar, on voit Viateur Cousineau à gauche et Louis Cochand à droite. Il est intéressant de noter qu’en 1937, V. Cousineau gagne la descente et L. Cochand termine 2e. Mais c’est celui qui termine 3e, le Suisse A. Kaech, qui sera le gagnant du trophée à cause de son meilleur temps au slalom. Seulement les 20 premiers à la descente pouvaient participer au slalom. Louis Cochand gagnera finalement le trophée en 1938. Ces médaillons y ont été ajoutés suite à la victoire de V. Cousineau en 1936 et à celle de L. Cochand en 1938.

Quoi de mieux par un beau vendredi de fin mars 1937, que de retourner skier au Mont Tremblant. Si le train est si populaire pour circuler dans les Laurentides, c’est que les routes sont souvent en mauvais état, particulièrement en hiver. De Montréal à Saint-Jovite, il est parfois question en automobile d’un voyage de 7 à 8 heures. Une fois arrivé à la gare, on consulte la carte de la région pour se rendre à notre destination, comme au Mont Tremblant.

Pour faire l’ascension de la montagne, aujourd’hui on utilise des peaux d’ascension. Si on examine attentivement la première photo, on remarque qu’on utilisait simplement des cordes. La 2e photo a été faite à la jonction des pistes Kandahar et Taschereau, ce qui à l’époque était à mi-montagne.

On avait décidé de monter en utilisant la piste Taschereau, qui est plus facile que la piste Kandahar. Plus on montait, et plus il y avait de neige. Ce qui m’impressionne au plus haut point, c’est qu’on tenait des compétitions de descente dans des pistes étroites et sans réelles mesures de protection.

Le sommet au pied de la tour à feu.

C’est Gus DeSerres, le responsable du chalet White Peak.

Cette photo montre le début de la piste Kandahar, et celle-ci un peu plus bas.

Sur cette photo prise vers 1936, on voit André Aird au Mont Tremblant. Ce passionné de ski, à l’hiver 1936-1937, sera cofondateur et premier président du club de ski de l’U. de Montréal. La première année il y avait une trentaine de membres, et dès la 2e année, il y en avait 235. Je remercie son fils Guy pour cette photo.

Cette belle photo a été faite lors de la compétition Québec-Kandahar de mars 1938. Sur la gauche, on retrouve Robert Johannsen, du McGill Ski Club, fils d’Herman Smith-Johannsen. Louis Cochand est au centre, et Viateur Cousineau sur la droite.

Pour que l’on comprenne l’énorme différence qu’il y a entre l’équipement de ski dans les années 1930 et aujourd’hui, j’ai sélectionné 2 annonces de 1939. Il n’y a pas que les prix qui sont différents, il y a aussi les matériaux utilisés et les performances de l’équipement.

C’est en 1937 que Joseph Ryan s’est rendu au sommet du Mont Tremblant pour la première fois. Il a tellement aimé l’endroit qu’il a décidé d’en faire une importante station de ski. Il a donc acheté des terrains près de la montagne, mais la montagne elle-même était un parc provincial. Selon les journaux de l’époque, à la suite de sérieuses négociations, le premier ministre du Québec, Maurice Duplessis, a accepté de lui vendre la partie du parc provincial nécessaire pour construire une station de ski. Le but était de favoriser le développement économique de la région. On lui a donc vendu 1 223 acres au prix de 20 $ l’acre, ainsi que des bâtiments pour une somme de 2 000 $. Aujourd’hui un tel prix nous semble ridicule. Il ne faut cependant pas oublier que le contrat de vente spécifiait qu’un minimum de 150 000 $ devait être dépensé dans les 2 prochaines années pour développer l’endroit.

La pièce maîtresse du projet était la construction d’une remontée de style chaise simple qui allait jusqu’au sommet de la piste Flying Mile. En 1938, les journalistes n’avaient aucune idée de ce qu’était une telle remontée. C’est pourquoi j’ai retrouvé dans les journaux des descriptions très colorées: voie ferrée inclinée, funiculaire, chemin de fer funiculaire, téléphérique, téléphérique à chaises. Le gagnant est pour moi ce qui est décrit comme étant le nom technique de la remontée: ‘Aerial Ski Chair Airway’. Ce nom a été traduit par: ‘ascenseur-chaise sur câbles pour skieurs’. La remontée a été inaugurée en février 1939.

Les tours en acier ont été fabriquées par la compagnie Dominion Bridge de Montréal. On rapporte qu’il y avait 78 chaises avec une distance de 107 pieds entre elles. La capacité de la remontée était de 250 personnes à l’heure.

Ce qu’il y a d’extrêmement particulier à cette chaise, c’est qu’on avait construit sous celle-ci à plusieurs endroits des plates-formes en bois pour éviter le vertige aux utilisateurs. Dès le début, Joseph Ryan voulait que sa station de ski soit une station 4 saisons. C’est pourquoi la remontée était en opération 12 mois par année.

Ce plan des pistes date de 1939, et montre la partie supérieure de la station. On peut y lire qu’on prévoyait construire une autre chaise pour se rendre au sommet. Dans les faits, on construisit une arbalète double dont l’inauguration a eu lieu en février 1941.

Sur le plan en haut à gauche, on voit la piste Dawes qui permettait de se rendre aux pics Pangman et Johannsen. On retrouve ces 2 pics sur la 2e photo. À droite sur le plan, on avait indiqué l’emplacement du chalet et du départ de la piste Kandahar. Finalement, on constate sur ce plan de 1939 que la piste Taschereau est à gauche de la piste Kandahar, alors qu’aujourd’hui, la piste Taschereau est à droite de la Kandahar. L’explication est que dans les années 1970, la piste Taschereau a disparu, pour réapparaître bien des années plus tard, mais à un autre endroit.

Pour en apprendre plus sur le ski de randonnée dans les années 1930, je vous suggère de lire cet article, qui traite spécifiquement de ce sujet pour la région des Laurentides.

Il m’a été possible d’écrire cet article grâce à la collaboration de Pierre Clouthier, petit-fils de Raoul Clouthier, ainsi que celle de la société Histoire et Archives Laurentides. La section numérique de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) a été une intéressante source d’informations. Deux des photos dans l’article viennent du Musée du Ski des Laurentides. Je remercie le Red Birds Ski Club pour les photos du trophée Québec-Kandahar datant de 1936, ainsi que Robert Miron pour son aide dans mes recherches.

Cet article fait partie de la section sur les stations de ski du Québec qui sont aujourd’hui fermées. Comme la grande difficulté d’un tel travail est de trouver des photos et de l’information sur ces stations, si vous détenez des perles concernant une station oubliée ou fermée et que vous souhaitez les partager avec l’auteur, vous êtes invité à communiquer avec lui par courriel afin de lui permettre d’ajouter de l’information à un dossier existant, ou d’inclure une autre station à cette section à l’adresse suivante: stations.fermees.qc@gmail.com

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Jacques Poulin
Skieur depuis plus de 50 ans, il a toujours aimé découvrir de nouvelles stations, ayant skié dans plus de 100 stations au Québec, dans l’Ouest canadien et en Nouvelle-Angleterre. Aujourd’hui, il préfère descendre en ligne de pente les pistes damées, mais il ne dira pas non à un peu de poudreuse!