L’Hôtel Le Chantecler était situé à Sainte-Adèle, devant le lac Rond. Sa longue histoire commence le 18 décembre 1938, avec son inauguration. Dès le début, il était possible d’y faire des activités à longueur d’année, comme le ski alpin et de fond, les sports nautiques, la chasse et la pêche. Le bois était très présent dans l’hôtel, soit le cèdre, le pin, le frêne, l’érable et le merisier. L’hôtel comportait 25 chambres et 2 dortoirs. Alors qu’aujourd’hui on parle encore dans les journaux à propos des Résidences pour aînés sans système de gicleurs, l’hôtel avait un tel système. Peu après l’ouverture, les pistes de ski seront desservies par 2 fils-neige. L’école de ski pouvait profiter d’une pente école située directement à côté et en bas de l’hôtel. Cette pente était illuminée pour pouvoir continuer d’enseigner malgré le fait que la noirceur arrive tôt en hiver. L’hôtel appartenait à un groupe d’investisseurs dirigé par Edouard A. Goodeve.

Une caractéristique de l’histoire de l’Hôtel Le Chantecler est le changement, autant au niveau des propriétaires, que de l’hôtel et du ski alpin. En novembre 1940, la propriété a été achetée par un autre groupe d’investisseurs ayant à sa tête A. B. Thompson. Pour l’hiver 1941-1942, le domaine avait augmenté de 400 acres et de nouvelles pistes de ski étaient disponibles. Tout en conservant son style, l’hôtel avait été agrandi. On avait aussi construit des maisonnettes et des bâtisses secondaires, de sorte qu’on pouvait maintenant accueillir 85 clients, soit à l’hôtel, soit dans des chalets.

Sur cette photo de 1942, en haut à droite, on peut voir sur le toit de la petite maison un réflecteur pour la pente école. La publicité de 1942 et 1943 illustre bien le fait que l’après-ski était essentiel pour le succès d’un hôtel. Il était primordial d’offrir d’excellents repas, mais aussi des divertissements comme la danse et des salons avec foyer pour socialiser. Les divers propriétaires chercheront toujours à augmenter l’offre d’activités pour les clients. Durant la guerre, pouvoir dire qu’il y a un service de train quotidien était un important point de vente.

Ces photos datent du milieu des années 1940. Le complexe hôtelier était devenu assez important pour qu’en 1948, les propriétaires demandent au Ministère des Affaires municipales la permission de se séparer du Village de Sainte-Adèle et de créer une entité nouvelle, le ‘Village of Chantecler’. Ceci aurait eu un impact catastrophique pour Sainte-Adèle, et ce n’est pas une surprise si le Conseil du Village de Sainte-Adèle, et son maire, Claude-Henri Grignon, le célèbre écrivain, se sont fortement opposés à cette demande. On a certainement voulu imiter ce qui avait été fait en 1940 avec la création de la Municipalité de Mont-Tremblant. Ce qui est particulier est qu’en 2000, cette entité a absorbé 3 de ses voisines et est devenue la Ville de Mont-Tremblant.

Frank Scofield a été directeur de l’école de ski du Chantecler plusieurs des années entre le début des années 1940 et le milieu des années 1960. Il était aussi un excellent photographe et cinéaste. Durant les années 1950 et 1960, il a été le photographe et l’éditeur de nombreuses cartes postales qui ont contribué à faire connaître les Laurentides, en hiver comme en été. Toutes ses cartes postales sont en couleur et sans date. Plusieurs de celles-ci se retrouvent dans l’article, identifiées par les lettres FSF dans le bas des photos.

Je me suis demandé pourquoi le nom de l’hôtel était Le Chantecler et pourquoi un coq était l’emblème de l’endroit. Selon la famille Thompson, le coq vient de l’histoire du renard et du coq des Contes de Canterbury (écrits vers 1388-1400). En me basant sur des épinglettes de ski de ma collection, je pense que le nom Le Chantecler vient de la poule Chantecler. Créée en 1919 par croisement par le frère Wilfrid, moine trappiste de l’Abbaye d’Oka, la poule Chantecler résistait bien à notre climat, et était une bonne pondeuse avec une bonne chair. Elle a été très populaire au Québec jusqu’au milieu des années 1950. Une caractéristique importante de cette poule est qu’elle est blanche. La première épinglette est des années 1960 ou avant, la 2e date de l’hiver 1972-1973 et la dernière est de vers 1980.

Sur la Carte-Guide des Laurentides de 1954, on montre pour l’Hôtel Le Chantecler une arbalète et un fil-neige. Certainement par manque d’espace, un 2e fil-neige n’est pas illustré, mais il est indiqué dans la liste des remontées au bas de la carte. On parle d’un dénivelé de 300 pieds (90 m), 200 pieds (61 m) et 150 pieds (45 m). De mémoire, je considère qu’un dénivelé maximum de 300 pieds est réaliste. Les lignes rouges sont des pistes de ski de fond, dont une passait près de l’hôtel. La photo de l’arbalète est également des années 1950.

Ces 3 photos sont de différents moments dans les années 1950. On peut voir une bonne partie du domaine de ski alpin dans la région de l’hôtel. Sur la photo en été, les fenêtres du bas les plus à droite, ce sont celles de la piscine intérieure. On remarquera sur les 2 dernières photos qu’on a agrandi une 2e fois la partie gauche de l’hôtel.

En 1953, la capacité de l’hôtel avait augmenté à 150 clients, et le développement résidentiel comportait une centaine de chalets. Pour offrir une autre activité aux clients, un curling était en construction. Une piscine intérieure sera construite en 1955-1956. Suite à des problèmes avec le système de refroidissement, on devra complètement rénover le plancher du curling en 1959-1960. La belle photo du curling date de 1959. On peut le savoir par la plaque d’immatriculation de l’automobile. D’une année à une autre, on ne changeait pas seulement la couleur de la plaque, mais aussi la disposition de l’information sur la plaque.

La photo à la une venant de la même source que la photo du curling, je pense qu’elle date aussi de 1959. Cette photo montre l’Hôtel Le Chantecler au sommet de sa gloire, avec la piste devant l’hôtel pleine de skieurs et des spectateurs regardant l’action.

Roger Couillard était un artiste québécois spécialisé dans les affiches de voyage. Dans les années 1950, il a créé ces 2 affiches.

D’origine française, Jacques Le Flaguais était un dessinateur publicitaire. Après la guerre, il s’établit à Montréal, mais retourne en France en 1956. Le timbre est de 1950. Cette carte postale était donnée aux clients pour qu’ils l’envoient à leurs amis. À l’endo de la carte, on retrouvait des activités que l’on pouvait faire en automne à l’Hôtel Le Chantecler, et le prix de ces activités. On mentionne la chasse, la pêche, le golf et l’équitation. J’ai effacé le nom du destinataire, mais on remarquera que la carte postale est arrivée à bon port malgré la simplicité de l’adresse. Difficile de résister à l’appel des Laurentides en automne quand on regarde la 2e carte postale.

Ces photos des années 1960 montrent le domaine skiable près du lac Rond. On voit en arrière de l’hôtel le toit rouge du curling. La dernière photo est de la patrouille canadienne de ski en 1969.

À la fin des années 1960, il devenait de plus en plus clair que l’offre de ski alpin ne faisait plus le poids devant l’offre grandissante dans les Laurentides. Pour l’hiver 1970-1971, on a développé les montagnes 2 et 3 afin de pouvoir se rendre de l’hôtel à la nouvelle montagne 4 d’un dénivelé de 201 mètres. On a installé 2 arbalètes à la montagne 2, 1 arbalète à la montagne 3 et 2 chaises doubles à la montagne 4. En ski de fond, on parle de 4 kilomètres entre l’hôtel et le nouveau chalet de la montagne 4. Ce qui m’impressionne au plus au point est que le personnel du Chantecler a réalisé au complet la conception et la construction de ce projet. Je vous recommande de lire l’extrait de cet article de journal. Les statistiques sont impressionnantes, encore plus quand on sait que le projet a été réalisé en respectant le budget d’un million de dollars. Je n’ose imaginer quel serait le prix aujourd’hui.

J’ai skié cette station au début des années 1970 avec un bon ami, Yvon Bonnier. Heureusement que celui-ci aimait garder en souvenir un plan des pistes des stations de ski qu’il visitait. Clairement le nom des pistes a été inspiré par la série télévisée ‘Les Belles Histoires des pays d’en haut’ créée par Claude-Henri Grignon d’après son roman ‘Un homme et son péché’. Aucun de ces noms de piste n’existe aujourd’hui. La photo montre les 2 chaises doubles de la montagne 4.

L’Hôtel Le Chantecler a toujours accordé une grande importance à la publicité. Cette publicité illustre parfaitement l’état d’esprit des jeunes skieurs au début des années 1970. Le ski ‘hot dog’ a été l’ancêtre du ski acrobatique d’aujourd’hui. Je me souviens très bien qu’un skieur pouvait faire une chute spectaculaire dans les bosses, se redresser, terminer sa descente et être déclaré gagnant de la course.
J’ai malheureusement peu d’informations sur la mascotte de la station, l’ours. Je sais seulement qu’elle a existé des années 1950 aux années 1970. Cette illustration était la page couverture d’un dépliant publicitaire de 1973.

On voit sur ces photos la réception de l’hôtel et son petit salon avec un foyer. C’était très chaleureux comme endroit.

Les années 1980 ont été difficiles pour l’hôtel, au point qu’il sera fermé pendant 8 mois en 1984 pour cause de faillite. Au début de 1985, Jacques Giasson acheta l’hôtel et investira 13 millions $, dans l’hôtel et dans le ski. On rénovera entièrement l’hôtel et on entreprendra la construction dans l’ancien curling d’une salle de bal pour 600 personnes. Malheureusement en octobre 1985, un violent incendie détruisit le curling, les salles de récréation et de conférences. On reconstruira la salle de bal. L’hôtel se retrouvera avec 161 chambres au lieu des 224 qui avaient été prévues.

Pour l’hiver 1985-1986, on a remplacé les 3 arbalètes par une chaise triple allant de la montagne 2 à la montagne 4. On la surnommait ‘La Corde à Linge’. Cette chaise était éclairée. De plus, on a installé deux chaises quadruples, soit une à la montagne 4, et une au lac Rond en remplacement de l’arbalète. En tout, on installera 8 nouvelles remontées mécaniques.
Le fonctionnement de ‘La Corde à Linge’ était assez particulier, mais permettait de skier toutes les pistes des montagnes 2 et 3.
Le départ était à la mi- montagne 2, avec embarquement et débarquement possibles.
Au sommet de la montagne 2, le débarquement était possible dans les 2 directions.
Au bas de la montagne 3, l’embarquement était possible dans les 2 directions.
Au sommet de la montagne 4, seulement le débarquement était possible.

On a nommé la montagne 1 ‘La Girouette’, la montagne 2 ‘Le Picoq’, la montagne 3 ‘La Faïtière’, et la montagne 4 ‘La Crête’.
Cette intéressante photo aérienne d’avril 1988 montre le lac Rond, les pistes devant celui-ci, et celles pour se rendre à La Crête au loin. Le plan des pistes est de l’hiver 1990-1991. Si j’ai trouvé une photo avec les 3 chaises de La Crête, je n’ai rien trouvé pour les pistes de ski des montagnes 2 et 3.

Avoir une excellente école de ski est un pôle d’attraction pour les skieurs. Cette photo de groupe date de l’hiver 1986-1987. L’écusson et l’épinglette d’instructeur seraient de la même époque. Qui dit école de ski dit club de compétition. La photo a été faite à la montagne 4 avant 2001.

Autrichien de naissance, Helmut Langeder est arrivé au Québec en 1954. Il s’est spécialisé dans l’art commercial. Celui-ci s’est inspiré du nom de la montage 4, ‘La Crête’ pour ces 2 dessins. Le premier était dans le plan des pistes de l’hiver 1990-1991, et le deuxième est une affiche. Cette carte postale est de la même époque. On peut y voir l’hôtel et des condominiums près du lac Rond.

En février 1995, le groupe Giasson a fait faillite et l’Hôtel Le Chantecler a été géré par un syndic. Il ne faut donc pas se surprendre si sur ce plan des pistes de l’hiver 1995-1996, on constate que la majorité des pistes des montagnes 2 et 3 avaient disparu. De plus, tout indique que l’hiver 1996-1997 a été le dernier hiver d’opération de la chaise ‘La Corde à Linge’. Pour l’hiver 1997-1998, un autobus faisait la navette entre l’hôtel et la montagne 4. En 1998, le syndic KPMG a vendu l’Hôtel Le Chantecler et Ski Chantecler (la montagne 4) au groupe Hôtels Gouverneur.

Pour l’hiver 2000-2001, à Ski Chantecler, on a remplacé les 2 chaises doubles par une chaise quadruple. On peut voir cela sur ce plan des pistes de 2003-2004. Même si on montre la chaise triple entre la montagne 2 et la 4, celle-ci n’était plus fonctionnelle. Pour ce qui est du poma indiqué à Ski Chantecler, il sera éventuellement remplacé par un tapis magique. L’hiver 2005-2006 sera le dernier pour les pistes de ski près de l’hôtel.
Sur ces deux photos du début des années 2010, on voit les vestiges du débarcadère au sommet de la montagne 4 et ceux du bas de la montagne 3. On remarquera que la neige sous la chaise de la montagne 3 a été damée, probablement pour faciliter le ski de fond entre l’hôtel et Ski Chantecler.

Ces photos sont aussi de cette époque. On voit le chalet, et les 2 chaises quadruples. Ce n’est certainement pas un hasard si le bistro-bar du chalet se nomme Le Coq Blanc. La 2e photo montre quelques pistes de la station. En 2024, le groupe Hôtels Gouverneur a vendu les activités d’opérations de Ski Chantecler, et n’est donc plus impliqué dans le ski alpin. On peut trouver des informations sur la station Ski Chantecler dans le Guide des stations de ski du Québec. https://guide.zone.ski/ski-chantecler/

On voit sur ces photos du milieu des années 2010, la salle à manger, la terrasse du Nämos Bistro Bar, et la piscine intérieure de l’hôtel. L’hôtel fermera en 2018, et les parties les plus anciennes seront démolies en 2021. En 2024, on a aussi démoli de vieux garages et une résidence pour les employés.

L’intention était de construire une résidence de luxe pour personnes âgées et de développer les montagnes 2 et 3, mais la COVID a mis sur pause ces projets. L’avenir dira ce qu’il deviendra des terrains qui étaient occupés par Hôtel Le Chantecler. Ce plan de Google montre en bas à droite les anciennes pistes de ski de l’hôtel, et en haut à gauche les pistes de Ski Chantecler.

Quand un article couvre une période de 85 ans, il est normal que la liste des collaborateurs à remercier soit longue. Je dois en premier lieu parler de Louiselle Saint-Laurent qui est l’auteure d’une étude très détaillée, ‘Quand les rêves se réalisent…’ sur le développement du nord du lac Rond à Sainte-Adèle, et allant du début des années 1900 jusqu’en 1963. Cette étude a été publiée en 3 volets, dans La Mémoire (Nos 160, 161 et 162) de la Société d’histoire et de généalogie des Pays-d’en-Haut (SHGPH) à l’hiver 2021, printemps et été 2022. Sa collaboration m’a été d’une grande aide pour comprendre les débuts de l’histoire de l’Hôtel Le Chantecler.

Le Dr Michel Allard, historien, m’a fourni des renseignements et des photos de cartes postales. C’est Louise Chartier qui m’a envoyé la très belle photo qui est à la une, ainsi que la photo du curling. Les documents et photos avec les lettres DL viennent de Dominique Lambert et ceux avec les lettres FM sont de François Massicotte. Certaines photos proviennent de la page Facebook : – Le Passé Vivant du Chantecler. Ces photos sont indiquées FB et 1 pour Dale Deirdre Robinson, 2 pour Victor Roxburgh, 3 pour Lisa Marsh et 4 pour Donna Robinson. Les photos indiquées JLA proviennent de J. Luc Allard, alors que celles avec les lettres MG m’ont été envoyées par Michel Gagnon. Robert Miron m’a fait connaître des sources d’informations très intéressantes. Les articles de journal ont été trouvés dans la section numérique de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Les photos venant de BAnQ sont identifiées par leur logo.

Cet article fait partie de la section sur les stations de ski du Québec qui sont aujourd’hui fermées. Comme la grande difficulté d’un tel travail est de trouver des photos et de l’information sur ces stations, si vous détenez des perles concernant une station oubliée ou fermée et que vous souhaitez les partager avec l’auteur, vous êtes invité à communiquer avec lui par courriel afin de lui permettre d’ajouter de l’information à un dossier existant, ou d’inclure une autre station à cette section à l’adresse suivante: stations.fermees.qc@gmail.com

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Jacques Poulin
Skieur depuis plus de 50 ans, il a toujours aimé découvrir de nouvelles stations, ayant skié dans plus de 100 stations au Québec, dans l’Ouest canadien et en Nouvelle-Angleterre. Aujourd’hui, il préfère descendre en ligne de pente les pistes damées, mais il ne dira pas non à un peu de poudreuse!