Les vertus du sport ne sont plus à prouver dans notre société moderne: meilleure forme, réduction du stress, diminution des risques de maladie, amélioration du sommeil… les bienfaits sont connus et exposés par médecins et entraineurs en tout genre. Bien qu’il existe également moult études démontrant les impacts positifs des rassemblements humains entre semblables, les effets désirables du sport sont toutefois propres à chaque individu dans leur singularité. Il est donc tout naturel de penser associer les deux types de bienfaits pour l’âme et pour le corps à travers différentes activités sociales et sportives. C’est l’idée qu’a eue Steve Charbonneau, président de la Fondation des Sports Adaptés (FSA), alors qu’il tentait de créer un pont entre les militaires à la retraite et son association. En y pensant bien, c’est un « match parfait »: bon nombre de vétérans sont aux prises avec des handicaps physiques -temporaires ou permanents- ou des troubles d’ordre psychologique, allant de l’insomnie au syndrome du stress post-traumatique.

Se réhabiliter par le sport

Comme toute blessure physique sérieuse qui demande une réadaptation, les troubles qui affectent les militaires retraités sont également en partie traitables par une autre forme de réadaptation: la réintroduction en contexte social. En rencontrant d’autres vétérans affectés eux aussi par des situations similaires, les liens se créent et les murs tombent, l’isolement laissant place à de longues discussions ponctuées d’éclats de rire. C’est l’objectif des camps de ski pour vétérans, organisés et rendus possibles par une collaboration entre la FSA, l’organisme True Patriot Love et Soutien aux anciens combattants blessés Canada, dont la 10e édition se tenait à Bromont, montagne d’expériences, en février dernier. Pas besoin d’être un bon skieur pour y assister, et pas besoin non plus d’avoir une assiduité parfaite: on vous prend quand vous êtes là, avec votre humeur du moment!

Midi, au chalet du Versant du Lac. Des voix, majoritairement masculines, s’élèvent du fond du chalet, dans la section réservée à l’événement. L’avant-midi a donné lieu à de belles descentes et les anecdotes fusent déjà entre les tablées. Près de la fenêtre, Pen Dobson, une bénévole accompagnatrice, s’assure que sa partenaire de ski, Jessica, a bien récupéré après un bon diner. Il faut dire que le vent n’est pas reposant au sommet ce jour-là et malgré ses bottes de planche à neige, le froid gagnait tranquillement les orteils de la jeune vétérane. (Oui, le mot existe, bien que rare!)

Du haut de ses 28 ans, Jessica est effectivement une minorité dans ce groupe mais pour elle, l’accomplissement de cette première sortie « en public » depuis plus d’un an représente un jalon dans le chemin de sa propre réhabilitation. Affectée par le syndrome du stress post-traumatique, elle poursuit maintenant une maitrise en santé mentale. Douce et souriante, elle explique que ce camp de ski est pour elle une occasion de connecter avec d’autres vétérans et de constater comment ils ont pu continuer leur vie et apprivoiser leurs différents troubles en plus de surmonter les défis de la réhabilitation que leur situation particulière pouvait poser. Jessica se surprenait elle-même à réussir à se sortir de sa zone de confort, n’écartant pas l’idée de reproduire l’expérience l’année suivante!

Pour René, un camionneur dans la cinquantaine, ce camp était aussi une façon de retrouver d’ancien compagnons d’armes dont il avait perdu la trace. Les militaires présents au camp étant tous issus de bases québécoises, la solidarité francophone était à l’honneur et bon nombre des participants avaient été déployés lors des mêmes missions. Certains peuvent être tentés de se remémorer quelques souvenirs, d’autres l’évitent systématiquement. Ce qui compte, c’est le moment présent: les rangs, la hiérarchie et les affectations sont mis de côté, ce qui permet à tous de prendre la parole librement.

Souvent, après leur retraite des Forces Armées, les vétérans se trouvent dans une situation où ils doivent se redéfinir. Certains choisissent la retraite pure, d’autres se sentent incapables de « rester à rien faire » et entament une nouvelle carrière. Cette situation, Steve Charbonneau la connaît! C’est d’ailleurs le fil conducteur de sa réflexion alors qu’il cherche une façon de connecter vétérans et sports adaptés. Étant lui-même « retraité » de sa première carrière de footballeur professionnel, il ne se voyait pas rester inactif. Celui qui a porté les couleurs des Alouettes de Montréal et des Eskimos d’Edmonton a goûté rapidement à l’entrepreunariat et lorsque la FSA s’est retrouvée en quête d’un nouveau dirigeant, sa réflexion fut de très courte durée. Il a donc sauté à pieds joints dans l’aventure, souhaitant utiliser son énergie et ses contacts pour redonner un souffle à l’organisme qui en avait bien besoin.

Une première, mais pas une dernière

Du tout premier camp de ski pour vétérans organisé par Steve il y a plus de cinq ans jusqu’aux voyages de ski à Davos Klosters en Suisse en passant par les sorties en ski nautique, la FSA s’implique auprès des enfants et adultes affectés de handicaps de toute sorte, vétérans inclus. Ceux qui peuvent et souhaitent participer de tout leur corps et de tout leur esprit sont également les bienvenus: l’idée est de boucler la boucle du participant qui deviendra bénévole! C’est d’ailleurs le cas de plusieurs vétérans, qui ont d’abord participé sur l’invitation de Soutien aux anciens combattants blessés Canada, mais qui maintenant se retrouvent accompagnateurs. Nul besoin d’être moniteur de ski, mais si l’envie d’apprendre à piloter un tandemski vous prend, Steve se fera un devoir de former les pilotes en devenir! L’un d’entre eux est d’ailleurs un visage connu dans l’équipe de ZoneSki: Alain est fier de dire qu’il peut enfin redonner aux autres ce qu’il a lui-même reçu à sa première participation. Futur pilote de tandemski, il ne tarit pas d’éloges envers Steve Charbonneau et tous les volets mis sur pied par la Fondation.

L’entraide et la solidarité sont au cœur des valeurs dont la FSA fait la promotion. Il n’y a pas de ségrégation possible au sein des participants et chacun donne et reçoit à la mesure de ses capacités et besoins. Bien entendu, comme plusieurs vétérans sont encore sensibles et que certains deviennent rapidement désorganisés dans une situation donnée, un soutien psychologique et médical est accessible lors des camps de ski. L’idée n’est pas de rendre l’expérience pénible mais bien de faire progresser chaque participant et de le faire sortir de sa zone de confort sans qu’il ne se sente en danger. Pour Jessica, René, Alain et tous les autres, c’est mission accomplie!

Article précédentCannon Mountain NH, 20 mars 2019
Article suivantLE MASSIF DE CHARLEVOIX, 23 MARS 2019
Adepte de plusieurs sports de glisse, Geneviève sépare son temps entre le plein-air, le tourisme, la production de contenu écrit et les photos de chats. En station, vous la retrouverez dans un sous-bois, occupée à contempler le paysage entre deux virages.