Cette station est l’exemple parfait d’une station qui a été très populaire pendant une longue période de temps, mais qui aujourd’hui est inconnue de la majorité de ceux qui skient dans les Laurentides. Au niveau de la ville de Prévost (résultat de la fusion des municipalités de Prévost, Shawbridge et Lesage), l’autoroute 15 passe sur la partie du bas de cette station, alors que le haut de la station est redevenu une forêt.

Au début des années 1900, les skieurs de Montréal, surtout des anglophones, pratiquaient leur sport sur le mont Royal et dans les environs. La création du Montréal Ski Club en 1904 a simplifié pour les skieurs l’organisation des voyages de ski dans les Laurentides en utilisant le train. Plusieurs skieurs demeuraient dans des hôtels situés près de la gare de Shawbridge, comme le Maple Leaf Inn dont le nom est indiqué sur la photo principale. D’autres skieurs se sont regroupés pour pouvoir posséder une propriété, tel le Laurentian Lodge Club qui a été fondé en 1923. Adjacent à ce bâtiment, le Shawbridge Golf & Country Inc. a été incorporé en 1927. L’endroit était donc utilisé en hiver par les skieurs et en été par les golfeurs. Le golf est aujourd’hui fermé, et le chalet est devenu une propriété privée. Ces 2 photos montrent que c’était un endroit chaleureux pour les membres.

De ces 2 emplacements situés à Shawbridge, on pouvait voir de l’autre côté de la rivière du Nord, à Prévost, les terres de Ménasippe Richer. Je ne sais pas s’il y avait une entente particulière, mais dans les années 1920, les skieurs venaient y faire du ski. Sur la photo, on peut voir M. Richer devant des chevaux, et à l’arrière, la pente qui était connue sur le nom de Big Hill. Le nom est simplement une description de l’endroit, cette pente étant plus imposante que celles que l’on retrouvait alors dans la région.

Avant les années 1930, il n’y avait pas de remontées mécaniques, et on devait consacrer beaucoup plus de temps à monter une pente qu’à la descendre. Les deux photos sont d’avant 1930, et le dessin montre l’endroit à la même période de temps.

Sur la première photo, l’aspect ondulé de la pente Big Hill est bien visible. La 2e photo est particulièrement intéressante, car on voit très bien l’emplacement des 2 ponts qui existaient à l’époque. Le pont dans le bas de la photo est pour les automobiles, et il existe encore aujourd’hui. L’autre pont était plus près de Big Hill, mais il était pour les trains. Malgré les risques, nombreux ont été les skieurs et les randonneurs qui l’ont utilisé. Voici le témoignage d’une telle personne : J’ai traversé maintes fois ce pont du chemin de fer. Il ne fallait pas avoir le vertige et heureusement, au centre du pont, il y avait un espace de survie si un train passait.

Dans les années 1920, et une bonne partie des années 1930, les journaux indiquaient les endroits où trouver des ‘champs de neige’ pour faire du ski. Le CNR a publié cette photo en 1930, faite dans la région de Big Hill. On voulait montrer que les champs de neige n’étaient pas loin de la voie ferrée.

Vers le tout début des années 1930, 2 hommes ont eu l’idée de construire dans les Laurentides une remontée mécanique pour aider les skieurs à se rendre au sommet d’une pente. L’un était Moïse Paquette à Sainte-Agathe, et l’autre Alex Foster à Big Hill. L’idée de base était d’avoir un câble sans fin qui était actionné par la roue d’une automobile. C’est ce qu’on appelle un fil-neige, ou à l’époque un ski-tow. Comme il était facile d’installer et d’enlever un tel fil-neige, à part les témoignages de skieurs de l’époque, les seules traces qui sont restées sont des photos. Heureusement, il existe des photos de ce que des sceptiques ont appelé Foster’s Folly. Qui voudra payer pour pouvoir remonter une pente en utilisant un câble ? Au début le fil-neige a été installé sur le côté nord de la pente, puis il a été installé plus au sud et il était plus long. On peut déduire que dans les premières années, son fonctionnement était assez expérimental. À partir de l’hiver 1933-1934, on mentionne dans un journal l’existence d’un fil-neige à Big Hill.

Selon l’Index aux immeubles, en mars 1938, Ménasippe Richer a vendu à son fils Camille le terrain où la pente Big Hill était située. En 1940, celui-ci le loua 100 $ par année pour 5 ans, du 15 septembre au premier avril, afin d’y opérer une station de ski. Les locataires avaient l’option de prolonger le bail pour une période de 2 ans. Dès l’hiver 1940-1941, le Shawbridge Ski-to était en opération, ainsi qu’un chalet. Ces 2 documents, avec le ‘w’ en moins, coïncident parfaitement avec les informations trouvées dans un journal de janvier 1941.

Cet article de journal de 1940 montre que Moïse Paquette continuait d’améliorer le mécanisme de fonctionnement de son fil-neige. L’usage d’un fil-neige (ski-tow) était devenu populaire dans les Laurentides, cette liste de janvier 1942 le prouve. J’aime bien le début de l’article : ‘’ C’est peut-être une invention destinée à favoriser la paresse humaine’’.

Cette publicité sur les trains pour les skieurs explique pourquoi les articles dans les journaux associaient Big Hill avec Shawbridge et non avec Prévost. On débarquait à la gare de Shawbridge pour aller skier à Big Hill. La 2e photo est une publicité de 1941 pour un équipement complet pour un skieur, soit 6 morceaux pour 13,50 $. Skier avec cet équipement serait toute une expérience.

C’est dans un journal de janvier 1946 que j’ai vu pour la première fois le nom de Côte 50 associé au nom Big Hill. Plusieurs pistes dans les Laurentides étaient désignées par un chiffre. J’ai trouvé par pure chance cet important document publié en 1954 par l’Association du ski de la Zone Laurentienne, montrant les pistes de ski et les monte-pentes. Cet extrait permet de voir sous le mot ‘Prévost’ l’emplacement de la Côte 50, les cercles rouges représentent le fil-neige, et les lignes rouges en haut et en bas de la piste de ski sont les 2 embranchements de la célèbre piste Maple Leaf.

Il est logique de penser que suite à l’expiration du bail, Camille Richer a opéré lui-même la station de ski. L’utilisation du nom Côte 50 est devenue plus fréquente que le nom de Big Hill. Les 3 photos suivantes montrent le fil-neige dans les années 1950. Au haut de la pente à la fin du fil-neige, il y avait un fil caoutchouté qui pouvait arrêter à tout moment le fil-neige de fonctionner si le vêtement d’un skieur était pris dans le câble.

Sur la 1re photo, on voit le début du fil-neige, ainsi que le restaurant et le stationnement. Sur l’écriteau, on constate que le ‘w’ est de retour, le nom devenant Shawbridge Ski-tow. Cependant, on garde séparé le nom de la station, Côte 50, et le nom de l’entreprise exploitant la station de ski. Par la suite, comme le montre ces billets, le nom changera à Prévost Ski-tow. Considérant que les skieurs dans les années 1950 ont commencé à privilégier l’automobile aux dépens du train pour venir skier, il devenait important qu’il soit clair que la Côte 50 était située à Prévost.

Pour commémorer leurs 50 ans de partenariat, les petits-fils de John Labatt, John et Hugh Labatt, ont mis en vente la bière Labatt 50. Le représentant de la brasserie Labatt, Bruno Aubin, sauta sur l’occasion pour faire le lien entre la Côte 50 et la Labatt 50. Il créa le slogan publicitaire : ‘’Après la descente, une 50, ça vous remonte ! ‘’

Lors d’une compétition en janvier 1960 entre des clubs de ski, chez les femmes, c’est Aline Richer qui gagna la compétition. On voit celle-ci recevant le trophée de Bernard Trottier, le chef de course. Sur la 2e photo, au centre avec un chapeau, c’est Camille Richer, le propriétaire de la station. L’homme avec le trophée est Hubert Savignac.

Pour l’hiver 1959-1960, parallèlement et au sud du fil-neige, on installa une remontée de type poma. Cette remontée se terminait un peu plus haut que le fil-neige. Sur la 3e photo, c’est Germain Richer, fils de Camille.

On a donc changé le nom de Prévost Ski-tow à Prévost T-bar. En 60 ans, il n’y a pas que les prix qui ont augmenté, la longueur d’un numéro de téléphone a aussi allongé. À partir de l’hiver 1960-1961, les journaux ont commencé à utiliser le nom ‘Mont Prévost’ pour désigner la station de ski.

Peu de temps après avoir inauguré en 1959 l’autoroute des Laurentides jusqu’à Saint-Jérôme, on a réalisé l’importance de continuer celle-ci jusqu’à Sainte-Agathe. Dans le secteur de Prévost, on a exproprié des propriétés en 1961 et en 1962, dont le bas de la station de ski Mont Prévost. Les travaux ont commencé dans la région de Saint-Jérôme en juillet 1962, et à l’hiver, ils n’étaient forcément pas encore commencés dans le secteur de Prévost. Il y a certainement eu une entente entre Camille Richer et les responsables de la construction de l’autoroute, car les journaux de l’époque sont unanimes à indiquer qu’il y a eu du ski au Mont Prévost à l’hiver 1962-1963. On travaillait rapidement, la section de Saint-Jérôme à Saint-Sauveur ayant été inaugurée à la fin de décembre 1963.

La collaboration de Germain Richer a été essentielle à la réalisation de cet article, tout comme l’utilisation des documents et photos conservés par sa sœur Aline. Les recherches effectuées par Robert Miron dans l’Index aux immeubles ont aidé à bien situer dans le temps l’histoire de la station. Louis Véronneau m’a donné accès à des archives du Laurentian Lodge Club. Les 2 photos de Big Hill en été proviennent de Guy Thibeault. Les documents et les photos trouvés dans la section numérique de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) ont permis de vérifier et de mieux comprendre l’histoire de la station.

Cet article fait partie de la section sur les stations de ski du Québec qui sont aujourd’hui fermées. Comme la grande difficulté d’un tel travail est de trouver des photos et de l’information sur ces stations, si vous détenez des perles concernant une station oubliée ou fermée et que vous souhaitez les partager avec l’auteur, vous êtes invité à communiquer avec lui par courriel afin de lui permettre d’ajouter de l’information à un dossier existant, ou d’inclure une autre station à cette section à l’adresse suivante: stations.fermees.qc@gmail.com

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Skieur depuis plus de 50 ans, il a toujours aimé découvrir de nouvelles stations, ayant skié dans plus de 100 stations au Québec, dans l’Ouest canadien et en Nouvelle-Angleterre. Aujourd’hui, il préfère descendre en ligne de pente les pistes damées, mais il ne dira pas non à un peu de poudreuse!