Chaque automne, les skieurs et planchistes de la Côte Est, qui tout au long de l’année économisent leurs sous, leurs  jours de vacances, aussi bien que les points de fidélité pour la saison du ski suivante, se renseignent pour planifier des séjours de ski de rêve. Mais bien avant de s’embarquer dans un tel voyage, peu importe la région ciblée (le nord est, les Rocheuses, outre-mer), on fait des recherches, essentiellement sur le web, pour trouver, comme les trois ours, une station ou une région qui n’est ni trop petite, ni trop grande. J’ai donc exploré trois stations, Diedamskopf, Warth-Schröcken, et Damüls. Voici le récit!

Passer une semaine dans un circuit alpin qui est plusieurs fois plus grand que Whistler ou Vail est, sans aucun doute, une expérience inoubliable pour nous. Pourtant, les Alpes fournissent en même temps une autre proposition très interessante, c’est à dire les domaines skiables qui non seulement offrent des étendues impressionnantes mais aussi suffisamment d’intimité pour qu’on n’ait pas l’impression de passer une semaine dans une usine de vacances hivernales.

Voilà pourquoi en février dernier, j’ai décidé de visiter la province autrichienne du Vorarlberg, qui côtoiela Suisse. Malgré le fait qu’elle soit la région la plus enneigée de toutes les Alpes, la « Bregenzerwald » (la Forêt de Bregenz) est à peine sur le radar des skieurs nord-américains. On se demande un peu pourquoi, car elle est facilement accessible depuis Montréal, New York ou Boston par des vols sans escale. 90 minutes après mon départ de l’aéroport de Zürich avec une voiture de location, en passant par le beau Lac Constance, je suis arrivé dans le sympathique village d’Au.

Après avoir déposé mes bagages à l’hôtel, je me suis dirigé vers la station de ski locale Diedamskopf (« Tête de Diedam ») pour un petit échauffement après le vol transatlantique. Dans le stationnement, un skieur local m’explique que « c’est une petite montagne où on peut plus ou moins tout voir dans l’espace de trois heures »… Cela m’a fait rigoler: pour mes points de référence modestes, même les petites stations dans les Alpes sont loin d’être petites!

Comme de nombreux domaines skiables alpins, on commence par prendre une télécabine, dont la base est située bien en-dessous de la limite des arbres, puis on monte quelques 600 mètres verticaux à mi-montagne. Ensuite, on continue avec un télésiège débrayable pour arriver au terrain de ski praticable: des centaines d’hectares de hors-piste, sans arbres, traversé par de beaux sentiers balisés. Avoir eu plus de temps, j’y aurais pu facilement y passer deux jours sans m’ennuyer, mais ça c’est la règle des roadtrips: au lieu d’avaler des expériences entières, c’est plutôt un menu dégustation.

Une fois installée à l’Hôtel Krone, quelques heures plus tard, j’ai vite constaté que la rumeur qui veut qu’on ne peut bien manger lors d’un séjour de ski qu’en France est franchement un peu exagérée, voire totalement fausse. Pendant que je sirotais un apéritif formidable, j’ai apprécié l’ambiance sophistiquée, la présentation de plats impeccable aussi bien que la cuisine savoureuse préparée avec de nombreuses spécialités culinaires locales, y compris son célèbre fromage.

Peu après, le chaleureux propriétaire de l’endroit, Herr Lingg, s’est arrêté à ma table, a remarqué mon nom gaulois et a bavardé avec moi pendant dix minutes dans un excellent français. Bien que Vorarlberg fasse officiellement partie de l’Autriche, il a mentionné que culturellement et linguistiquement la province a plus en commun avec la Suisse (mais heureusement sans les prix élevés!). Certes, le secteur touristique y est très important pour l’économie, mais la région se sent moins développée, c’est à dire sans le côté « tourisme industriel » qu’on ressent dans les domaines de ski plus connus.

Le lendemain, j’ai conduit dans une tempête de neige houleuse à Warth-Schröcken, qui, avec une moyenne annuelle de 11.3 mètres de neige (dans la même ligue que les Cottonwood Canyons de l’Utah) est couronné le domaine de ski le plus enneigé dans les Alpes. De plus, ce chiffre est mesuré à proximité de la base, de sorte qu’il a sûrement encore plus de neige plus haut sur la montagne.

Le seul gros pépin vécu lors de ma journée à Warth est dû aux averses de neige et au brouillard intense, qui m’ont empêché de profiter pleinement de toute cette belle neige vierge à seulement quelques mètres: aucun arbre pour me protéger, la visibilité était nulle car le domaine skiable est situé au-dessus de la ligne de végétation. Évidemment, c’est frustrant de savoir qu’il y a des centaines d’hectares de poudreuse complètement non-tracée autour de soi alors qu’on est obligé de rester entre les panneaux aux côtés des pistes. Enfin, c’est la vie au-dessus de la limite forestière!

La grande nouveauté de ma visite était l’occasion d’essayer la nouvelle télécabine “Auenfeld,” une fascinante bizarrerie qui relie Warth-Schröcken avec la célèbre station avoisinante,Lech, produisant une région de ski interconnectée totalisant 190 km de pistes. Depuis son ouverture en décembre 2013 (après plus de 40 ans de négociations entre les deux villages), elle mélange deux cultures de ski très distinctes: la noblesse européenne à Lech et les familles de classe moyenne à Warth-Schröcken. Cinq minutes après être parti de Warth, on arrive à mi-montagne au pied du télésiègedébrayable “Weibermahd” à Lech. Là, les deux remontées se connectent – deux wagons de la Auenfeld alternant dans le sens giratoire avec une chaise de la Weibermahd – et montent au sommet en tant que “chondola.” Impressionnant, autant par sa réalisation technique que par sa valeur: 12 millions d’Euros!

Tandis que Warth-Schröcken se proclame le domaine de ski le plus enneigé dans les Alpes, mon arrêt du troisième jour, Damüls –muni d’un grand slogan, Willkommen im Schneereich (« Bienvenue au Royaume de la Neige ») – se profile comme le village le plus enneigé des Alpes. Je me suis réveillé dans l’agréable Alpenhotel Mittagspitze pour trouver ma voiture de location croulant sous 40 cm de neige qui s’était accumulée depuis mon arrivée 12 heures auparavant. Toute la matinée, je me régalais dans la poudreuse abondante. Bien que la visibilité ne soit guère mieux qu’à Warth, il y avait heureusement pas mal d’arbres sur la partie inférieure de la montagne, ce qui améliorait la visibilité.

En dégustant un déjeuner délicieux de spätzle (un genre de pâte venant du sud-ouest de l’Allemagne), le directeur du marketing du village m’a confié que le nom de la région, Bregenzerwald (wald = forêt), porte les touristes à croire que les montagnes desservies par les remontées sont de grandes collines boisées, ce qui n’est pas le cas! Cette fausse perception crée donc un défi pour les exploitants de la place car l’image de l’endroit n’est pas fidèle à la réalité, et certains visiteurs sont parfois déçus! Mais une fois sur place, l’accueil auquel les touristes ont droit est incomparable. Pour citer un exemple parmi bien d’autres, pendant mon dernier soir à Damüls, le propriétaire de l’hôtel m’a non seulement invité pour un verre du schnaps le plus délicieux que j’ai jamais goûté mais il m’a aussi fait faire une visite guidée des curiosités locales, passé minuit! Certains vacanciers ne sont pas intéressés de connaitre l’histoire de l’endroit où ils séjournent, mais je suis toujours reconnaissant quand les gens tiennent à expliquer aux clients les particularités de leur village et pourquoi ils en sont fiers.

Et voilà, trois jours dans le Royaume de Neige, qui a complètement répondu à mes attentes. Beaucoup de neige, tel que promis par le nom, en plus d’une région de ski ni trop grande, ni trop petite, et peuplée de gens quifont de leur mieux pour accueillir les visiteurs.

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Spécialiste de marketing, James est un skieur américain qui a vécu un peu partout: Berlin, Nice, Boulder, Albuquerque, Chicago, Montréal, New York City/New Jersey. Il parcourt l'Amérique du Nord et les Alpes en quête d'expériences montagnardes uniques, surtout les stations de ski loin des sentiers battus. Il se passionne non seulement pour la poudreuse, mais aussi pour la culture des endroits qu'il visite.