Les skieurs qui fréquentent les grandes stations du Québec (et un peu partout dans le monde) ont déjà l’habitude de ces billets électroniques sous forme de carte qu’on glisse dans une poche de manteau, qui permettent d’accéder aux remontées mécaniques sans contact. Les installations de portillons, guérites et barrières RFID sont de plus en plus courantes dans la province: en date de la saison 2022-23, plus d’une vingtaine de stations de ski du Québec en sont équipées. Cette technologie constitue un investissement considérable et l’accueil réservé au RFID était mitigé dans les dernières années, tant du côté des exploitants des stations de ski que de la clientèle. Voici donc un petit tour d’horizon pour mieux comprendre le fonctionnement de cette technologie: mieux vaut l’apprivoiser dès maintenant!

Le principe de la RFID

Commençons par la base: les quatre lettres sont l’acronyme de Radio Frequency IDentification. Cette technologie est omniprésente dans nos vies, qu’il s’agisse de notre carte à puce de transport en commun, du paiement par puce avec carte de crédit, d’une carte d’accès au travail ou dans un stationnement, d’une clé de chambre d’hôtel ou encore plus récemment, de tous les systèmes de paiements sécurisés intégrés aux téléphones intelligents, tels que Google Pay ou le Wallet de Apple.

Les portillons RFID installés pour la saison 2021-22 au Mont SUTTON. Photo courtoisie Mont SUTTON

Les lecteurs RFID aux portillons des stations utilisent des fréquences similaires à nos cartes de crédit, mais émettent un signal plus fort, ayant ainsi une plus grande portée: c’est ce qui évite d’avoir à sortir systématiquement la carte du manteau à chaque passage. C’est aussi ce qui explique pourquoi il faut absolument éviter de mettre le billet de ski dans la même poche que le téléphone, une carte de crédit ou d’autres cartes RFID, puisque ces objets peuvent créer de l’interférence et fausser la lecture de la guérite. Attention toutefois, il est faux de dire que les cartes de crédit et les billets de ski partagent exactement la même configuration: leur encryption est complètement différente, il n’y a donc aucun danger de fuite de données personnelles par le passage dans une guérite. (À ce sujet, visitez la section des questions fréquentes sur le site du Mont SUTTON: vous y trouverez plusieurs réponses pointues!)

Le fonctionnement de la RFID est plutôt simple: la carte en tant que tel n’émet pas de signal, contrairement au lecteur du portillon dont le rôle est de lire ce qui a été programmé sur la carte et de débloquer le tourniquet, si le contenu de la carte est considéré valide. Cette opération se produit de façon instantanée et ce à toute température: les fréquences ne sont pas affectées par le froid! C’est donc un avantage notable en comparaison avec les systèmes de vérification à pistolet, qui demandent une communication constante avec le WiFi et vident rapidement leurs piles, surtout par temps très froid.

Même en pleine tempête, les portillons RFID du Mont Lac Vert fonctionnent sans problème. Photo Julie Tremblay

La portée des fréquences, bien que plus grande que pour une carte de crédit, a tout de même ses limites: si vous êtes trop loin des guérites, la carte ne sera pas détectée et le portillon ne s’ouvrira pas. Rapprochez-vous pour permettre au lecteur de bien lire le contenu de la carte: les portillons s’ouvriront dès que la lecture sera faite. À noter que dans le cas où le passage vous est refusé par la guérite (généralement signifié par une couleur rouge), il faut éviter de faire une deuxième lecture de votre carte: dans bien des cas, le système est bâti pour éviter les double-passes sur les portillons. Bien que de refaire une lecture soit le premier réflexe pour la plupart d’entre nous, passer sa carte encore et encore ne changera en rien le résultat faux-négatif qui a été lu en premier. Il est donc nécessaire de demander à un employé de passer sa carte administrateur pour vous débloquer la guérite. Autre petit conseil: vérifiez soigneusement de quel côté placer la carte RFID dans vos poches! Ça vous évitera de faire des contorsions inutiles ou de sortir la carte lors du passage aux portillons. Il n’y a pas de règle officielle, et même si la majorité des fabricants semble opter pour le côté gauche, les guérites peuvent être configurées différemment à la demande de la station de ski.

La position du lecteur RFID est bien visible, sur la gauche, au Mont SUTTON. Photo Félix LeBlanc

Les portillons sont connectés à la base de données du serveur associé au système RFID choisi par la station de ski. Les connexions sont sécurisées et assurées par du câblage installé hors-saison afin de minimiser les risques de pannes et de perte de signal que le WiFi vit parfois. La seule cause qui expliquerait une coupure du service serait une panne de courant -dans ce cas, les remontées mécaniques ne fonctionnent pas non plus.

Voyez une vidéo explicative préparée par le Mont Orford concernant l’implantation et le fonctionnement de la technologie nouvellement installée à la station:

Les avantages pour la clientèle

Alors que les réservations étaient obligatoires pendant les périodes de restrictions imposées durant les moments forts de la pandémie, bien des skieurs ont été confrontés à cette technologie pour la toute première fois. À ce moment, toutes les stations de la province, tant par le biais de leur propre boutique en ligne que par celle de Maneige.ski (l’Association des stations de ski du Québec) exigeaient de la clientèle que celle-ci réserve sa (ou ses) journée de ski. Ce fut le moment où plusieurs skieurs ont découvert l’existence de cartes rechargeables en ligne, ce qui permet entre autres d’éviter les files d’attente à la billetterie et de passer directement aux remontées mécaniques. C’est donc le premier avantage pour la clientèle: moins de temps perdu en file!

Le deuxième avantage est de diminuer grandement les risques de pertes/bris de billet: terminé le moment où l’attache plastique se casse, où le papier déchire après une chute, où on doit skier avec un trop gros manteau alors que la journée s’est réchauffée mais qu’on ne peut pas changer le billet de place… il n’y a qu’à garder bien précieusement le billet en poche.

L’investissement dans la technologie RFID au Massif du Sud date de l’automne 2022. Photo Dany Martel

Selon l’étendue des services offerts en station et connectés au système RFID, l’expérience client sera également bonifiée en permettant de stocker toutes les informations sur la carte à puce: à titre d’exemple, certains fournisseurs permettent à une seule carte de faire l’achat de votre billet de ski, location d’équipement, paiement au restaurant, accéder à votre hôtel, bref, tout ce que vous pourriez penser faire lors d’un séjour dans une station de ski et ce, sur un seul et même compte. (Les croisiéristes parmi vous connaissent sans doute déjà ce principe!) Très pratique pour des parents en vacances qui veulent laisser leurs enfants skier et manger sur toute la station de façon autonome. Il va de soi que ces systèmes sont beaucoup plus coûteux et sont plus réalistes pour des stations avec un très fort achalandage: vous les verrez peut-être lors de vos voyages hors du Québec.

Les avantages pour les stations

La raison principale de ces investissements est évidente avant même que la question ne soit posée aux stations: le problème persistant de manque de personnel est criant dans l’industrie du ski et certains emplois sont moins attractifs que d’autres… On a tous déjà eu une pensée pour les employés qui vérifient les billets dans les files d’attente à l’embarquement: ceux-ci peuvent parfois rester des heures au froid, à vérifier les billets de ski de chaque visiteur au télésiège. Cette tâche peut dorénavant être effectuée de manière automatisés et permet aux gestionnaires d’affecter les employés à des rôles plus critiques dans la station. Evelyne Déry, Conseillère marketing et communications, Bromont Montagne d’expériences, explique: « Avec la pénurie de main-d’œuvre, il devient essentiel d’optimiser nos méthodes de travail et le RFID fait partie des solutions : il permet le contrôle automatisé tout en facilitant la route du client sur le site. »

Un employé est toujours en charge de superviser le bon déroulement de l’embarquement, ici à Vallée-du-Parc. Photo Pierre Pinsonnault

Même son de cloche du côté du Mont Orford: « Notre principale motivation est d’un point de vue d’efficacité ! Autant pour la clientèle qui, lors de l’année 2, pourra directement recharger sa carte d’abonnement ou son billet journalier en ligne et passer directement aux pistes de ski sans avoir à venir au service à la clientèle ! […] Évidemment, d’un point de vue de main d’oeuvre aussi cela nous aide beaucoup dans un contexte de pénurie. » – Valérie Collette, Directrice Marketing et communications, Mont Orford.

Bien que la motivation principale soit l’économie de personnel, la façon dont le système est implanté en station a pour objectif de rendre tout le parcours client plus fluide, en diminuant les attentes dans les différents goulots d’étranglement (billetterie, remontées mécaniques). La facilité de paiement avec les transactions en ligne et l’installation de bornes libre-service à des endroits stratégiques permettra aussi aux skieurs de recharger leur carte ou de s’en procurer une nouvelle sans avoir à passer par la billetterie. C’est aussi l’idéal comme système pour les stations dotées de plusieurs versants ou points d’entrée: ne passez pas go, allez directement à votre versant préféré!

Les bornes automatisées de Bromont, Montagne d’expériences. Photo Patrick Teasdale

Un autre avantage qui justifie l’investissement pour les stations est la capacité à récolter des données sur les habitudes et comportements des skieurs, ce qui, en bout de ligne, permet d’améliorer les services offerts. À titre d’exemple, avec les réservations obligatoires, les stations sont davantage en mesure de prévoir l’affectation du personnel, l’approvisionnement alimentaire, le travail en piste, les cours de glisse, etc. Une fois la saison terminée, toutes les données enregistrées aux guérites sont colligées et permettent aux gestionnaires de mieux connaitre leur clientèle en fonction des fréquences de passage aux remontées, l’utilisation des différents services (location, boutique, cours de glisse), et d’ajuster le tir pour les saisons subséquentes, au besoin. Certains spécialistes marketing indiquent également utiliser les informations afin de développer des offres et promotions personnalisées pour la clientèle, ce qui rend la station encore plus attractive.

Malgré l’installation d’infrastructures physiques supplémentaires, la technologie RFID représente une amélioration environnementale tangible pour les stations. Moins de billets autocollants à impression unique, moins de papier plastifié dans les déchets (pour ceux qui s’y rendaient… combien en avons-nous vu voler au vent près des billetteries extérieures!), et moins d’attaches en plastique ou en métal par terre (avouez que ça ne vous manque pas de vous battre avec un triangle emmêlé dans 12 autres triangles!).

Les types de cartes

Si lors de votre première visite dans une station dotée de la RFID vous avez été surpris de devoir payer pour votre carte, c’est que celle-ci est rechargeable: ne la jetez pas! Son numéro unique indiqué à l’arrière permet de procéder à l’achat de vos futurs billets en passant par la boutique en ligne de la station. Conservez-la bien précieusement pour votre prochaine visite.

La carte RFID de la station saguenéenne du Mont Édouard. Photo Julie Tremblay

Bien qu’il existe des cartes « jetables » conçues pour un usage unique, celles-ci ne sont pas aussi résistantes que leur contrepartie rechargeable: étant souvent faites en petit carton mince, elles sont plus susceptibles d’être froissées ou endommagées par l’humidité, ce qui ferait que certains portillons pourraient éprouver de la difficulté à lire le contenu encrypté sur la puce. Solution: débourser les quelques dollars à l’achat pour éviter les tracas! 

On se demande souvent pourquoi ne serait-il pas possible d’avoir une seule carte utilisable dans toutes les stations de ski équipées de lecteurs RFID. Cette idée fait rêver bien des skieurs nomades mais malheureusement, les rêveurs risquent de voir leurs espoirs déçus pour plusieurs raisons. D’abord, une carte RFID unique impliquerait que toutes les stations, de propriétaires et d’administrations différentes, partagent un seul et même système central de gestion des billets. Même si pour une équipe de programmeurs aguerris cela semble être un défi réalisable, un autre problème se pose: les différentes caractéristiques de la technologie mise en place (âge de l’équipement, différence de fréquence ou de sensibilité des capteurs, étendue des services accessibles et connectés d’un lieu à l’autre) rendent l’interconnexion des différents systèmes physiquement impossible. Quand on sait que certaines stations de la province peinent encore à avoir une bonne couverture de réseau cellulaire et un service internet solide, il y a loin de la coupe aux lèvres!

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Félix est un passionné du ski, de la technologie et de l'art visuel. Curieux de nature, il se garde bien informé sur tout ce qui touche de près ou de loin ses passions et tout comme Ron Fournier, adore "donner son deux cents" à ses lecteurs. Chasseur de tempêtes pour tracer les plus beaux sous-bois de la province, sa maxime dans la vie est celle-ci : "Ta pire journée de ski est toujours meilleure qu'une journée ordinaire au travail".