Cet article constitue la suite de l’article «Des remontées mécaniques “Made in Québec”!». Après la publication de ce texte, divers lecteurs ont manifesté l’intérêt d’en apprendre davantage à propos de l’unique télésiège débrayable construit par les Industries Samson en 1971. Ce télésiège débrayable fut installé 13 ans avant la venue du second télésiège du même genre dans la province. Samson, depuis toujours à Lévis, est surtout connue pour avoir implanté des téléskis et des télésièges un peu partout sur les pentes du Québec et des environs. 

Le télésiège débrayable qui fait l’objet de cet article a été démantelé au cours du printemps 2012, après plus de 40 ans de loyaux services. Jusqu’à tout récemment, il était possible d’apercevoir sa silhouette jaune au sein du secteur expert du mont Sainte-Anne. En effet, ce dernier survolait la piste Sept-Chutes et portait le nom de Sainte-Paix. À son installation, ce télésiège pouvait atteindre une vitesse de 3.5 mètres par secondes, ce qui était plutôt rapide pour l’époque. À titre comparatif, un télésiège fixe roule à une vitesse variant entre  2 et 2.5 m/s; un télésiège débrayable moderne atteint 5 m/s. 

Pour faire une image simple, un télésiège à pince débrayable se définit comme un siège dont la pince de la chaise se détache du câble principal, permettant un ralentissement au moment du débarquement et de l’embarquement des passagers. La pince fixe, quant à elle, demeure en tout temps serrée autour du câble. 

Au cours de son existence utile, le télésiège de la Sainte-Paix a subi de très importantes modifications.  Lors de ses premières années de service, il a été converti en appareil à pinces fixes, à cause de quelques problèmes techniques. Par la suite, en 1989, il a été déplacé et sa longueur a été raccourcie de moitié lors de son déménagement vers son dernier site d’exploitation. De nos jours, selon son tracé original, ce télésiège serait situé immédiatement à gauche de la télécabine 8 passagers l’Étoile Filante, en survolant la piste la Gondoleuse. Son embarcadère était attenant à l’arbalète la Connexion.

Le mont Sainte-Anne avait commandé ce télésiège en 1971, afin d’offrir un lien rapide et direct de la base au sommet. Elle allait donc venir en renfort à l’ancienne cabine 4 passagers de marque Mueller qui était déjà en place à ce moment. À cette époque, l’administration de la montagne voyait grand et tous les moyens étaient bons afin d’être la station numéro 1. Une partie de cette stratégie de développement passait par l’investissement pour des appareils débrayables d’avant-garde. 

À cause des multiples modifications apportées au télésiège, la simple observation de l’état final de celui-ci ne nous permettait pas de connaître les détails de son fonctionnement original à titre d’appareil débrayable. Afin d’y parvenir, il devenait primordial de consulter les plans originaux consignés dans les archives de chez Samson. Nous tenons d’ailleurs à remercier vivement Monsieur Luc Fagnan, actuel président de l’entreprise: sa grande collaboration nous est précieuse pour les informations et les images présentes dans cet article!

Afin de bien comprendre le fonctionnement global du télésiège débrayable Samson, il faut segmenter l’appareil selon les fonctions de ses divers mécanismes, qui se suivent et se complètent.  La station aval permettait, premièrement, de réguler la tension du câble de traction, selon le nombre de passagers qui prenait place dans les sièges. Deuxièmement, cette station comprenait le dispositif de retour des sièges.

La station d’embrayage et de débrayage aval comportait plusieurs fonctions. De manière chronologique, du moment où les sièges y effectuaient leur entrée, jusqu’à leur départ, elle permettait : l’ouverture de la pince débrayable, le ralentissement des sièges lors de leur débrayage, leur entrainement le long du rail conducteur, le cadencement des sièges, leur accélération, leur lancée ainsi que l’embrayage des sièges sur le câble. Un moteur était consacré exclusivement à la mise en marche de la station aval et effectuait la majeure partie de ses fonctions. Il était relié un tube rotatif sectionné et dont ses deux parties effectuaient des rotations à des vitesse différentes. Ceci permettait de faire ralentir et accélérer les sièges selon leur positionnement sur le rail conducteur. 

La pince débrayable des sièges comprenait trois galets d’entrainement, qui permettait aux sièges de rouler sur le rail conducteur. Deux ressorts internes positionnés de manière perpendiculaire permettaient d’agripper fermement le câble en position détendue une fois les sièges embrayés. Le bras d’ouverture, lorsqu’il s’appuie sur le système de débrayage, comprime ou étire les ressorts, selon leur position, et permet d’ouvrir l’attache de la pince du câble tracteur et de s’en séparer le temps de l’embarquement et du débarquement des passagers. 

 Les pylônes de forme conique Samson permettent de supporter le câble lorsque la pince passe sur les galets ou d’éviter que le câble atteigne une hauteur trop importante en le comprimant vers le bas, lorsque l’on passe sous les galets. Lorsque ces galets sont disposés sur et sous le câble tracteur, ils se nomment galets de support-compression. 

En ce qui a trait à la station d’embrayage et de débrayage en amont, son principe est le même principe que pour celle qui est située en aval. Il faut cependant spécifier que la station amont  est fixe, ce qui signifie que la régulation de la tension du câble tracteur ne s’effectue pas  à cet endroit. Par contre, elle comprend la station motrice qui permet le déplacement du câble principal, de plus, elle comporte un bras de transmission qui permet d’actionner la station d’embrayage et de débrayage amont, ainsi que l’entrée d’électricité pour alimenter le télésiège qui est entièrement électrifié. 

Le tout fonctionne en circuit fermé, pour lequel tous les dispositifs de sécurité doivent être en position fermée afin que le télésiège puisse être opéré. Dans le cas où un dispositif de sécurité s’ouvre à cause d’une anomalie, l’ensemble du  télésiège sera immobilisé jusqu’à ce que le problème soit résolu. 

Comme vous pouvez le constater, par sa technologie et sa complexité ce télésiège était très avant-gardiste. C’est la raison pour laquelle les ingénieurs des Industries Samson, habitués à concevoir des remontées à pinces fixes, sont allés chercher une expertise en cette matière en développant un partenariat avec le constructeur français de télésiège Montaz-Mautino. Ces derniers faisaient concevoir leurs plans par une compagnie d’ingénierie spécialisée dans le transport par câbles nommée Neyrpic. On d’autres mots, Neyrpic a conçu ce télésiège en tenant compte de la morphologie des pièces Samson et ce sont les Industries Samson qui ont vu à la construction des pièces, ainsi qu’au montage du télésiège. 

Ce partenariat aura permis la construction de deux télésièges débrayables jumeaux, dont l’un fut construit en France par Montaz-Mautino et l’autre par Samson au Québec. Le nôtre comportait cependant une morphologie différente, puisque les deux constructeurs utilisaient leurs propres pièces. 

Les experts en remontées mécanique s’accordent tous pour dire que cette aventure du débrayable Samson aura permis une lancée importante dans le domaine des télésièges débrayables légers, et ce, une décennie avant la réelle popularisation de cette technologie! 

Article précédentNouveautés 2012-13: consolidation et action!
Article suivantVisage du ski: Denis Lacoursière
Dominique Lambert
En bon géographe, Dominique a toujours les pieds sur terre -sauf lorsqu'il skie! Véritable mine d'informations factuelles et historiques, ils partage son savoir quotidiennement grâce à son métier d'enseignant, ainsi que sur notre forum.