Les méga-domaines européens sont quelque chose que tout skieur nord-américain doit visiter au moins une fois dans sa vie. Quel plaisir de traverser des vastes étendues de neige où on peut passer plusieurs jours sans répéter les mêmes descentes, profiter d’une superficie en apparence inépuisable de hors-piste, dévaler des pistes damées de plus de 1800 mètres de dénivelé, et prendre des remontées équipées des dernières technologies. Et quand vient le temps de faire une pause, ces métropoles d’hiver proposent des dizaines de restaurants, cafés, et bars qui offrent souvent un niveau de cuisine qu’on ne voit pas fréquemment chez nous.
Pour moi, le plus gros problème de ces super-stations, c’est qu’elles deviennent si grandes et leurs infrastructures si industrialisées pour accueillir autant de visiteurs que la personnalité du lieu est souvent perdue et on a plutôt l’impression de passer des vacances dans une usine à ski! Voilà pourquoi j’étais ravi l’hiver dernier de trouver un domaine important dans les Alpes du Sud de la France qui a su garder son charme local sans les grands aspects négatifs des géants dans la Tarentaise juste au nord: Serre Chevalier. C’est une des rares stations françaises située dans une ville historique au caractère authentique. Les deux jours que j’y ai passés sous un ciel bleu d’acier devant des innombrables sommets du Parc National des Écrins m’ont fort impressionné.
D’abord les chiffres: en tant que l’un des plus grands circuits interconnectés des Alpes, les 4000 hectares skiables s’étendent sur 13 km de large et 5 km de long. Pour ceux qui préfèrent mesurer la longueur, Serre Chevalier offre 250 km de pistes variées. De plus, les conditions optimales de neige sont assurées grâce à la combinaison de l’exposition dominante au nord et du fait que 80 % des pistes sont à une altitude supérieure à 2000 mètres.
Côté terrain: puisqu’il n’y a pas beaucoup de falaises ou d’autres surprises inattendues, Serre Chevalier est bien adapté aux skieurs intermédiaires qui veulent parcourir tranquillement les secteurs alpins. En revanche, les experts peuvent se régaler de vastes territoires hors-piste qui comprennent de majestueux bols et ravins: un gigantesque terrain de jeu enneigé.
Ceci dit, l’attribut le plus unique à Serre Chevalier est sans doute la limite des arbres bien plus élevées que la normale dans les Alpes. Cet aspect garantit que les amateurs de sous-bois peuvent passer des heures dans une forêt constituée entièrement de mélèzes bien espacés quand la visibilité est mauvaise ailleurs en montagne. C’est quelque chose qu’on trouve rarement dans les Alpes! Par contre, quand il fait beau, on trouve facilement des surfaces non-tracées même plusieurs jours après la dernière tempête.
Pour économiser notre temps, nous avons été guidés le premier matin par Julien, un moniteur de l’École du ski français sympathique et accueillant, typique des habitants de la région. À notre demande, il nous a fait découvrir ses zones boisées préférées pendant près de trois heures et demie. Puisque bon nombre des sous-bois n’étaient pas facilement repérables depuis les remontées, y compris une incroyable descente de 1000 mètres, il va sans dire que ses conseils ont été d’une grande aide.
Ce mélange de terrains de qualité à Serre Chevalier au-dessus et en-dessous de la limite des arbres est assez rare en Europe. En savourant un délicieux dîner sur une terrasse extérieure en début d’après-midi, mes compatriotes et moi nous demandions pourquoi la station ne s’en vante pas davantage!
En préparant mon voyage, j’ai lu quelques commentaires en ligne indiquant que les remontées mécaniques à Serre Chevalier incluaient un bon nombre de télésièges lents mais nous avons trouvé que cette critique n’est plus fondée en constatant que les propriétaires, Compagnie des Alpes, continuent à systématiquement moderniser les remontées. De toute façon, nous n’avons rencontré aucun bouchon pendant notre séjour.
Un autre point intéressant: après avoir remarqué des éoliennes le long des lignes de crête, j’ai appris que depuis 2006, Serre Chevalier fait des grands efforts pour limiter son impact sur l’environnement. Parmi les efforts, la station peut se vanter de produire 30% de son électricité avec les énergies renouvelables, ce qui permet de réduire fortement ses consommations électriques et ses émissions de gaz à effet de serre.
Serre Chevalier tient à souligner que c’est le seul exemple en France d’une station de ski adossée à une ville de plus de 10000 habitants, Briançon, où j’ai logé pendant mon séjour. En plus d’être la ville la plus haute de l’Union européenne (1375 mètres d’altitude), elle est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO et ses rues étroites sont parsemées des boutiques, cafés, et restaurants ainsi que des vielles églises impressionnantes. Si on veut prendre un jour de repos, Briançon vaut bien une visite en soi!
J’ai entendu quelqu’un décrire l’ambiance quasi méridionale de Serre Chevalier comme une sorte de “Provence sur neige” et je suis tout à fait d’accord. Bref, cette station mérite une plus grande réputation entre les skieurs de l’outre-mer comme moi; en fait, je me demande pourquoi je n’y étais pas allé plus tôt!
Accès
Avec des vols directs depuis Montreal, les aéroports de Lyon et de Milan sont les portes d’entrées les plus pratiques. Vous devrez louer une voiture et parcourir environ 2h30 de route avant d’arriver à Serre Chevalier. Les voyageurs qui atterrissent à Lyon passeront directement devant le grand domaine Les Deux Alpes, et la mecque du freeride La Grave, tandis que ceux qui arrivent de Milan auront l’occasion de skier à Sauze d’Oulx ou à Montgenèvre le long de la frontière italienne; ces deux stations sont situées juste à l’est de Briançon.