À une époque où les GoPro pullulent et où les derniers téléphones intelligent sont équipés de lentilles pouvant filmer en 4K, se démarquer dans le monde de la production vidéo constitue un défi majeur. Si en plus on se concentre sur une niche particulière, bien entendu je pense au monde du ski, alors là, faites jouer le thème de Mission Impossible! C’est pourtant l’objectif qu’une poignée de gamins s’est fixé il y a quelques années déjà. Et ne vous méprenez pas, le nom «gamin» n’est pas péjoratif: les p’tits gars n’ont pas encore tous quitté l’adolescence! Portrait d’une bande de mineurs qui joue dans les ligues majeures.
Je dois avouer que j’étais franchement intriguée avant de réaliser l’entrevue avec Olivier Désy, l’un des trois producteurs actif au sein d’Union Productions. Mes recherches m’avaient fourni quelques informations qui me portaient à croire que les jeunes en question n’avaient pas encore reçu leur D.E.S. -au régulier! Je lance donc à Olivier, en blaguant: «Oui mais… avez-vous tous l’âge de boire!?», à quoi le jeune homme me répond, après un éclat de rire: «Euh, non! Notre plus jeune rider a 16 ans!» Ce que je suis en train de vous dire, c’est qu’une équipe de jeunes âgés entre 16 et 23 ans s’apprête à sérieusement casser la baraque en tant qu’équipe de production de film de freeski, «Made In Quebec». Et ils n’en sont pas à leur première séquence…
Celui qui m’accordait l’entrevue, Olivier, vient tout juste d’entamer son CÉGEP. Son objectif? Pas le cinéma… mais bien les HEC. En voilà un qui a les deux pieds bien au sol, même s’il affectionne les manoeuvres de big air! Mais quand même, ce que les gars de Union Productions ont vécu cette année, ce n’est pas rien: non seulement leur film Parallele a été retenu dans la sélection du IF3, catégorie «Amateur» (ce qui, en anglais, n’est que l’opposé de «Pro» en terme de budget), mais en plus, Olivier peut maintenant se vanter d’avoir été le plus jeune producteur à avoir eu un film présenté au IF3. La tête dans les nuages? Le temps de faire la fête, oui, mais «les vraies affaires», le cadet Désy s’y connait. Car son frère ainé, Raphael, est également producteur. Pour équilibrer le tout, et arbitrer les chicanes de famille («Non-non on est super sérieux!»), Maxime Trudel complète le trio derrière la caméra.
C’est bien beau avoir des kid-kodak, mais si personne n’est prêt à faire de folies devant une caméra, on ne va pas bien loin. C’est là que nos caméramans peuvent compter sur la présence inconditionnelle de trois skieurs principaux, ainsi que de quelques autres riders en renfort. J’insiste sur le terme «inconditionnelle»: même avec un bras cassé, Aliocha Mahaut apprend des nouvelles figures et donne temps, énergie, sueur et sang pour les meilleures prises vidéo. Anthony Germain et Sébastien Chartrand ne sont pas en reste: rails, big air, scènes urbaines, tout y passe. Retenez leurs noms… vous les reverrez sûrement plus tard, probablement stylisés à l’anglaise!
Vous êtes sûrement aussi emballés que moi à ce stade-ci. Des jeunes, qui font du beau ski, de la belle vidéo, c’est fantastique, vive la relève! Oui, vive la relève. Mais cette relève, elle n’y arriverait pas sans l’aide précieuse (et trop souvent rare) de certains visionnaires. Vous aurez deviné que la production d’un film de freeski ne se fait pas sans casser quelques… oeufs. Conscient de leurs limitations et du besoin de support, Olivier frappe à quelques portes stratégiquement choisies, dont celle de Luc «Skypowder», à Owl’s Head. Celui-ci, séduit par le potentiel et les idées des jeunes, offre soutien et encouragements fort bienvenus à l’équipe, qui a donc accès à de multiples ressources plus qu’utiles pour les tournages et la logistique qu’impliquent un film de ski. À ce soutien s’ajoute celui de plusieurs autres partenaires, un nombre incalculable d’heures de route, un budget «fuel» pour l’essence des voitures et de la génératrice, sans oublier que ça mange, des jeunes adultes! Enfin, n’allez pas croire que tous ces braves garçons abusent de la générosité de leurs parents: chaque sou investi dans cette aventure vient de leurs propres poches; tout revenu monétaire étant d’avance voué à l’acquisition de matériel et à la progression de l’équipe.
Et maintenant, quelle est la suite logique? La gloire, les filles, le fric… Certainement pas! En tout cas, pas tout de suite! Olivier Désy et son équipe savent très bien que les meilleures années sont encore à venir, et tous envisagent des études supérieures afin de ne pas tomber dans le piège des folies non-planifiées, autant en terme de dépenses que de mauvais choix. Bien que le film Parallele se soit démarqué au IF3 par son ambiance légère, amicale et sans prétention, les producteurs ne manquent pas de sérieux et prévoient déjà les tournages dans l’ouest, les collaborations avec d’autres skieurs (et skieuses!), du meilleur matériel, et… des prières pour de la poudreuse. Car même si la «neige» récoltée dans les cours arrières d’aréna sauve la donne pour les scènes urbaines, celle qui tombe du ciel a franchement meilleur goût!
En tant qu’enthousiaste qui aime souligner les bons coups, je dois préciser que les images que vous verrez (ou avez vues) dans le trailer ou dans le film Parallele sont à considérer avec confiance: malgré les apparences, l’équipe d’Union Production joue toujours dans la légalité, préférant les endroits publics aux zones interdites. S’ils se sont déjà fait chasser d’un lieu de tournage, c’est parce qu’un passant a appelé la police, de peur qu’un accident ne survienne… mais aucun constat d’infraction n’a été émis! De plus, pour le secouriste qui sommeille en vous (j’en suis!), sachez que les frères Désy détiennent une formation en premiers soins… mais ne couperont jamais la caméra lors d’un pépin!
En conclusion, Union Production est à surveiller au cours des prochaines années. Les débuts de l’équipe dans la cour des grands sont plus que prometteurs et on ne peut que leur souhaiter d’avoir les ressources à la hauteur de leurs ambitions!