Evgenia a 11 ans. Elle est venue d’Ukraine avec sa famille il y a 6 mois. Étendue de tout son long dans la pente école de Ski Montcalm, ses skis coincés sous elle, elle profère un sacre québécois avec un joli accent au “R” bien roulé. Son père, visiblement pas familier avec le mot d’église bien de chez nous, saisit malgré tout la frustration de sa fille. Moi, le bénévole d’un jour, je ris comme un damné. En quelques secondes, tous ceux présents sur la scène de « l’hécatombe » éclatent d’un rire explosif qui transcende toutes langues ou origines. C’est le pouvoir magique de OuiCanSki à l’oeuvre!
Les bénévoles
Sandy Wolofsky est la fondatrice et directrice de OuiCanSki (Lire à ce sujet l’excellent article de ma collègue). Malgré l’appui de deux amies qui la soutiennent dans l’organisation de sorties d’initiation au ski et à la planche à neige destinées aux nouveaux arrivants, Sandy en a lourd sur les épaules. C’est pourquoi la présence de bénévoles additionnels est non seulement bienvenue, mais aussi absolument nécessaire. C’est ce qui m’a poussé à enrôler ma conjointe, ma fille et son chum afin de m’accompagner à Ski Montcalm. Notre rôle est simple: s’assurer que tous les participants aient du plaisir. Cette tâche revêt plusieurs aspects; accueillir les participants, les aider à attacher les bottes de ski, faire en sorte qu’ils s’habillent convenablement, attacher le casque, leur montrer comment insérer les bottes dans les fixations ainsi que tout autre tâche qui fera en sorte qu’ils auront du plaisir.
Des instructeurs certifiés donnent les leçons de ski et de planche à neige. Avant l’arrivée des participants, Sandy s’adresse à la vingtaine de bénévoles que nous sommes. Les consignes sont claires, les mots clés simples: sourires et encouragements. Je peux faire ça! Puisque la journée se déroulera en mode multilingue, quelques bénévoles ont pour tâche d’interpréter les consignes auprès des participants. Il ne nous faut que quelques minutes à l’arrivée de ces derniers pour saisir notre rôle. Dans un joyeux capharnaüm, nous distribuons rapidement bottes, casques et billets de remontée. « Ça niaise pas », comme dit Edouardo, un participant Portoricain!
Une fois sortie, la cohorte, composée de près d’une centaine de personnes composée d’enfants et d’adultes, a besoin d’être dirigée vers la pente école et d’être rassurée: non, vous n’allez pas mourir aujourd’hui! Debout au pied de la pente, nous aidons les uns et les autres à monter sur leurs skis et planches, à se relever après une chute, à se positionner sur le tapis magique. Que du fun! Plusieurs d’entre nous montons sur nos skis et planches afin de seconder les moniteurs de la station. La matinée se déroule si vite et si bien que l’heure du lunch arrive avant de crier « ski »!
La pause est bienvenue pour les bénévoles, car nous nous donnons à fond. Après une séance généralisée de poutine, offerte par Ski Montcalm, nous retournons en piste. Rares sont les participants qui s’arrêtent ici. Au contraire, ils ont hâte de ressortir chausser skis ou planche, surtout que cette fois ils peuvent monter dans la remontée mécanique. Après avoir formé les groupes d’aspirants à la Coupe du Monde, nous les accompagnons dans la remontée et la descente sur une “vraie” piste. Oh boy! Pour plusieurs participants, ça se corse. Les rires sont nombreux; les sourires, éclatants. Il doit bien s’y être prononcé quelques gros mots en ukrainien, en anglais ou en hébreu… Malgré le plaisir communicatif et l’ardeur des apprentis, la journée se termine vers 14h00. « Moi, ça dormir dans le bus! », parole de Barnabé, 11 ans.
Qu’est-ce que j’en retire?
Donner vaut plus que recevoir. Ces mots semblent être si banals et sont utilisés si souvent qu’on pourrait facilement les confondre pour du bla-bla poli et superficiel, une sorte de cliché obligé et de bon aloi. Cependant, après mon expérience de bénévole d’un jour auprès de OuiCanSki, je ressens vivement la satisfaction d’avoir partagé mon amour du ski et de l’hiver avec des nouveaux arrivants qui ne demandent pas mieux que de découvrir notre langue et notre culture. Avoir donné de mon temps, en famille, à l’organisme montréalais me fait chaud au coeur. Ce sentiment va bien au-delà de la technique du ski. En fait, l’acte même de la glisse est secondaire.
Ce qui reste est davantage un sentiment de fraternité, de don de soi, qui transcende les frontières et la langue. Quand Evgenia a sacré après être tombée, j’ai su qu’elle était devenue une vraie petite Québécoise. Pas simplement dans l’évocation émotive de la boîte où les hosties sont conservées (ce dont Evgenia n’a sûrement aucune idée!), mais bien plutôt dans sa compréhension que le Québec est une terre d’expression libre où le quotidien se décline sans bombe, ni conquête et où elle a sa place. Tout ça grâce à l’accueil que nous sommes réputés prodiguer généreusement au Québec. Ça m’émeut.