Du haut du Nevado Pisco, à 5752 mètres d’altitude, la vue sur les glaciers environnants est époustouflante. Ce sommet est considéré comme « le balcon » de la Cordillera Blanca du Pérou, pour son panorama offrant une perspective élargie sur cette majestueuse chaîne de montagnes tropicales enneigées. S’émerveiller devant cette beauté incomparable est la récompense des efforts que nous avons consentis pour y arriver, avant bien entendu de profiter de l’ultime extase : la descente en ski.

L’acclimatation

Grimper et skier des sommets à près de 6000 mètres d’altitude dans les Andes demandent au préalable une préparation physique et mentale adéquate. Au-delà de la détermination à atteindre les objectifs, il faut prendre le temps de bien s’acclimater; vouloir aller trop vite peut compromettre le projet.

La ville de Huaraz vue du mirador de Rataquenua.

Heureusement, la région entourant la ville de Huaraz qui est située à 3100 mètres d’altitude, point de départ obligé de toute expédition dans la Cordillera Blanca, est remplie d’options de randonnées incroyablement esthétiques pour s’acclimater.

Vue sur la Quebrada de Llancanuco.

Avec mon ami Filipo Castillo Fuentes, qui m’accompagne pour cette expédition de ski-alpinisme au Pérou, nous avons utilisé cinq jours pour nous acclimater, premièrement en visitant la ville et en montant au Mirador de Rataquenua, et ensuite en faisant trois randonnées, chacune nous menant à une altitude plus élevée : Laguna de Wilcacocha (3700 mètres), Laguna Churup (4500 mètres) et Laguna 69 (4600 mètres).

S’acclimater en regardant ce qu’on va skier.

Après une journée de repos, nous étions prêts pour prendre d’assaut un premier sommet et entamer notre programme de ski.

Un premier sommet : Caullaraju

À partir de ce moment, Filipo et moi avons rejoint Miguel Martinez, notre guide péruvien et skieur invétéré de la Cordillera Blanca. Se sont également joints à nous un groupe d’amis skieurs et grimpeurs, ce qui a grandement agrémenté cette première ascension.

Notre guide Miguel Martinez (de face) avec le glacier du Caullaraju en arrière-plan.

Le Caullaraju, située à l’extrême sud de la Cordillera Blanca et présentant une altitude de 5689 mètres, est un glacier parfait pour s’initier au ski dans la région. Il est assez facile d’accès depuis Huaraz – il faut toutefois demander permission à la communauté locale pour accéder au territoire -, il se fait bien en une journée et ne présente aucune réelle complexité quant au terrain, outre bien entendu les crevasses propres à l’environnement glaciaire.

L’amigo Filipo Castillo Fuentes durant l’ascension du Caullaraju.

Nous partons donc à 2h du matin de Huaraz pour entamer la randonnée d’approche, deux heures plus tard, skis sur le dos. Au lever du soleil, nous sommes au pied du glacier, prêts à entamer l’ascension, skis aux pieds. Il s’agit vraiment d’une première expérience de ski parfaite pour s’acclimater et se préparer à l’ascension de sommets plus complexes.

L’environnement glaciaire émerveille.
Miguel arrive au sommet du Caullaraju.

La pente est douce, l’ascension se fait en peaux jusqu’au sommet, le paysage est incroyable et la descente est sublime. Nous sommes de retour à Huaraz en fin d’après-midi, fiers de ce premier sommet atteint et prêts pour notre deuxième objectif.

Descente du Caullaraju (skieur : Miguel Martinez).

Un deuxième sommet : Vallunaraju

Après une journée de repos, nous nous rendons au Refugio LLaca à 4500 mètres, accessible en 4×4 à partir de Huaraz. C’est là que nous passons une petite partie de la nuit et que nous entamons, à 2h du matin, l’ascension du Vallunaraju. Ce glacier s’élève à 5686 mètres et l’ascension est plus complexe que la précédente, sans toutefois nécessiter de grandes compétences en alpinisme.

Au pied du glacier du Vallunaraju, sur la moraine enneigée.
Filipo durant l’ascension du Vallunaraju.
On aperçoit la ville de Huaraz tout en bas.

Ce qui complexifie l’ascension lors de notre passage est une chute de neige à basse altitude durant la nuit, rendant le sentier d’approche (avec skis sur le dos) et la moraine du glacier très glissants. Si cela nous a retardé durant l’approche, le bon côté est que nous avons pu skier de la belle poudreuse andine!

Un dernier effort avant d’atteindre le sommet du Vallunaraju.

Alors que notre première ascension (Caullaraju) nous offrait des paysages aux horizons davantage verdoyants de par sa position un peu plus excentrée, l’ascension du Vallunaraju nous fait pénétrer au centre de la Cordillera Blanca et nous révèle pleinement l’ampleur des glaciers environnants.

Filipo savoure l’exploit et la vue au sommet du Vallunaraju.
Filipo descend le Vallunaraju en profitant de la neige andine fraîche.
Miguel durant la descente du Vallunaraju.

L’ultime sommet : Nevado Pisco

Les deux ascensions précédentes nous ont préparé pour notre troisième sommet, un classique de la Cordillera Blanca : le Nevado Pisco à 5752 mètres d’altitude. Ce sommet se fait habituellement en trois jours, mais en donnant un bon coup c’est possible de le faire en deux jours. C’est ce que nous avons fait avec l’aide d’ânes pour apporter le matériel et, ainsi, sauver notre énergie.

Pierre, l’auteur de cet article, remercie son fidèle porteur de skis.

La première journée consiste à faire la randonnée à partir de Cebollapampa jusqu’au Refugio Perú, située à 4675 mètres. Ce refuge compte une soixantaine de lits et un service de restauration. À l’extérieur, on s’impressionne à la vue du Nevado Pisco, massif, qui surplombe le refuge.

Le Refugio Perú surplombé par le sommet du Nevado Pisco, l’objectif pour le lendemain.

Le deuxième jour, à 1h du matin, nous entamons la randonnée qui nous mène au pied du glacier, où nous ferons la transition vers les skis pour l’ascension en peaux, qui est toutefois ponctuée de segments plus complexes qu’il faut négocier avec crampons et piolets.

Durant l’ascension du Nevado Pisco.
Pierre et Filipo profitent du soleil durant l’ascension du Pisco.

Ce sommet est le plus difficile des trois, tant physiquement que psychologiquement. Le fait de n’avoir pas dormi depuis deux jours, que la rando d’approche est longue et que l’ascension est complexe par moment, à quoi on ajoute l’effet de l’altitude, tout cela demande un effort inhabituel et une concentration constante. Il reste que nous sommes déterminés à atteindre l’objectif, et une fois au sommet la vue nous coupe littéralement le souffle. Les efforts valent amplement ce qui s’offre à nous!

Pierre au sommet du Nevado Pisco.

La descente est aussi un peu plus complexe, du moins au début avec une neige un peu cartonnée et un rappel en cours de route. Par contre, pour la deuxième moitié de la descente, la neige a pris une texture printanière sous l’effet du soleil et nous offre du ski sublime. Nous naviguons entre les crevasses pour terminer cette longue descente d’environ 900 mètres de dénivelé, avant de remettre les skis sur le dos et retourner au refuge pour le dîner.

Intéressé à vivre cette aventure? Des groupes de 4 à 6 personnes sont organisés en avril et en mai. Communiquez avec l’auteur de l’article pour plus de détails

Descente du Pisco.
Miguel descend le Pisco.

C’est avec la fierté d’avoir accompli nos objectifs, mais aussi une certaine nostalgie de ces hauts sommets, que nous redescendons avec les ânes jusqu’à la route. Sur le chemin de Huaraz, rêvassant sur les souvenirs encore frais de nos trois sommets atteints, on prend pleinement conscience du fait d’avoir réussi ce que peu de skieurs ont eu la chance d’expérimenter, soit de skier sur les plus hauts glaciers tropicaux au monde.

Au retour, avec vue en plongée sur le Refugio Perú.

Cordillera Blanca : détails et quand skier

La Cordillera Blanca du Pérou est une sous-chaîne de montagnes des Andes, en Amérique du Sud. Elle s’étend sur 180 kilomètres de longueur du nord au sud et sur environ 25 kilomètres de large. Le plus haut sommet est le Huascaran, qui s’élève à 6 757 mètres. En 1989, un total de 722 glaciers y a été répertorié, couvrant une superficie de 723,4 km carrés. Malheureusement, les Andes sont parmi les premières grandes victimes du changement climatique, et plusieurs glaciers ont disparu au cours des deux dernières décennies; de fait, la plus récente étude remonte à 2016 et on y constate que la couverture glaciaire est tombée à 448,81 km carrés.

Vue sur une partie de la Cordillera Blanca.

Durant la saison des pluies, soit du mois de septembre à avril, les jours de ski sont trop peu nombreux pour risquer un voyage; il neige presque tous les jours et les conditions climatiques et avalancheuses ne sont généralement pas favorables.

Le meilleur moment pour y skier est une courte fenêtre entre la mi-avril et la mi-juin; durant cette période, les épisodes de beau temps sont fréquents et de petites chutes de neige rafraichissent les montagnes durant la nuit. C’est également un moment où les montagnes sont encore tranquilles.

Durant l’ascension du Vallunaraju avec d’imposantes crevasses.

De la mi-juin à la mi-septembre, alors que les journées sont ensoleillées et les précipitations casi inexistantes, le ski est possible mais les surfaces sont souvent dures jusqu’en mi-journée puisque le soleil prend son temps pour réchauffer la croûte. C’est la période la plus achalandée, les alpinistes prennent d’assaut les montagnes donc on perd un peu le sentiment de solitude.

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Pierre Pinsonnault
Son intérêt pour la nature et le grand air se décline en deux principales activités : le ski alpin (sa grande passion) et la randonnée en montagne. Rédacteur professionnel dans la vie de tous les jours, et prenant un malin plaisir à photographier les paysages d’hiver et les skieurs lorsqu'il pratique son sport de prédilection, Pierre aime écrire sur le ski et partager ses expériences, photos à l’appui.