Qu’ils soient jeunes ou vieux, les apprenti-skieurs ont une chose en commun: ils se lancent dans l’inconnu physique et intellectuel lorsqu’on leur met des bottes de ski aux pieds. La découverte de nouveaux termes, de nouvelles sensations et d’un univers qui semble bien complexe vu de l’extérieur est source d’un stress légitime. C’est d’ailleurs ce stress, annulant souvent le facteur « plaisir », qui est à l’origine du faible taux de conversion enregistré dans les écoles de glisse. En clair: moins de 20% des skieurs qui vivent une première initiation y retournent pour une deuxième visite  (source: NSAA Data). C’est donc un taux d’échec de 80%! Comment expliquer ce chiffre? Après cette analyse, que peut-on changer pour faire en sorte que les nouveaux skieurs se convertissent en skieurs réguliers?

Apprendre le plaisir

Comme toute activité principalement récréative, le ski alpin (de même que les autres techniques de glisse) est pratiqué pour le plaisir. On cherche à bouger, prendre l’air, passer du bon temps en famille ou entre amis, bref, il s’agit d’un loisir. Mais à partir de quand en est-ce bien un? L’ensemble des sports de glisse requiert certaines habiletés, de même qu’un équipement composé de plusieurs éléments. La familiarisation avec cet équipement, ainsi que l’apprentissage des techniques de glisse représentent un processus crucial pendant lequel on peut décider d’abandonner, faute d’encadrement et de motivation. C’est qu’il en faut du temps pour cueillir ce fameux plaisir qu’on nous promet alors que nos orteils souffrent dans nos bottes, et qu’on expérimente la démarche « astronaute en déséquilibre » sur un plancher trop dur et glissant!

Même un skieur aguerri est d’accord: faire du ski, c’est parfois douloureux, frustrant, et surtout, il fait froid la majorité tu temps. En résumé: ce n’est pas agréable! « L’absence de plaisir » est la première raison donnée par les skieurs qui indiquent qu’ils ne réitèreront pas leur expérience pour une deuxième visite sur les pentes (source: NSAA Data). Lorsqu’on leur demande de développer, les skieurs insatisfaits indiquent qu’ils n’ont pas eu de plaisir à cause du froid, des douleurs causées soit par l’équipement ou par les chutes, et qu’ils se sont sentis frustrés de ne pas progresser plus rapidement. Ouf! Tout un constat. Bien entendu, à part encourager les gens à bien s’habiller, le froid ne peut être enrayé… mais pour les douleurs et la frustration, il y a certainement moyen de faire quelque chose, non?

C’est la grande question sur laquelle Snow Operating s’est penché dans les dernières années. Fondée en 2012, cette firme américaine s’est donné le mandat plus qu’ambitieux de redéfinir la façon dont le ski est enseigné à travers les stations de ski nord-américaines. Le mot-clé que l’entreprise a décidé d’intégrer et de marteler: FUN. Car oui, si le plaisir s’apprend, il s’agit toutefois d’une science particulière dont il fallait décortiquer les caractéristiques! À quel moment exactement peut-on dire qu’on a du plaisir à faire quelque chose, et qu’est-ce qui fait que ça peut changer, entre l’ennui ou le défi trop grand?

L’idée du Terrain Based Learning

En identifiant les différents facteurs de stress présents lors de l’apprentissage, Snow Operating a imaginé un environnement offrant aux débutants de tout âge la possibilité de découvrir les sports de glisse avec plus de plaisir que d’inquiétudes. C’est la sculpture du terrain sur lequel les skieurs glissent qui leur fait expérimenter les sensations de la glisse. À travers trois types de « modules », le futur-nouveau-skieur découvre les différents principes d’équilibre, de freinage, de direction, du contrôle de la vitesse et du transfert de poids, le tout de manière instinctive, ce qui réduit le temps qu’un moniteur pouvait passer à essayer de verbaliser les techniques, de même que les risques d’incompréhension des termes.

Les ingrédients sont simples: après avoir été pris en charge de la manière la plus rapide et fluide possible à l’étape de la location de matériel, le débutant rencontre son moniteur, qui lui explique brièvement ce qu’ils feront à l’extérieur. Il est invité à regarder son matériel, le manipuler, puis la séance se déplace vers le tapis convoyeur de la pente école. Snow Operating recommande d’installer un mur ou une coquille protectrice autour du tapis pour minimiser les effets « météo » et donner un répit aux débutants.

  1. Après quelques mouvements de réchauffement au sommet de la pente école, le processus s’enclenche dans le premier module: la mini-demi-lune. Cette structure, dont le nom indique la forme, est creuse d’environ 18 pouces (45 cm) et permet au débutant d’effectuer de courtes glissades avant-arrière pour développer son équilibre et se familiariser avec la sensation de la glisse, incluant prise et perte de vitesse.
  2. Une fois que le moniteur sent son élève prêt, ils se dirigent vers le deuxième module, les rouleaux. Ceux-ci ont pour objectif de faire prendre conscience au débutant du mouvement à la base des virages, le fameux « flexion-extension ».
  3. La troisième étape constitue un parcours d’une série de virages inclinés qui ont pour but de permettre au débutant de développer sa capacité à se diriger par transfert de poids et à contrôler sa vitesse.
  4. L’étape finale est la piste parfaite, qui reprend un peu de tous les éléments précédents mais sur une plus longue distance. Le temps à allouer à chaque module dépend de chaque skieur, celui-ci pouvant revenir à tout moment aux modules précédents. La durée d’un cours de ski n’est pas différente de la méthode classique.

Cette manière de redéfinir l’apprentissage exige un engagement très concret de la part des stations de ski: il faut produire davantage de neige et solliciter les opérateurs de dameuse pour sculpter les différents modules, ce qui en soi représente un grand investissement en énergie, en temps et en argent. De plus, la sculpture des modules se fait parfois par essai-erreur. Une courbe trop prononcée ou une pente trop raide devront être retravaillées en gardant en tête l’objectif initial de la mise sur pied de ces infrastructures: l’apprentissage doit être le plus dénué de stress, pour garantir un maximum de plaisir!

Dans une pente école près de chez vous

Plusieurs stations du Québec ont adopté cette nouvelle méthode d’apprentissage. L’appellation « Terrain Based Learning Program™ » étant une marque déposée, l’acquisition des droits représente un certain investissement. Les six stations du groupe Les Sommets offrent des pentes écoles conçues directement avec la collaboration de Snow Operating; d’autres écoles de glisse québécoises s’en sont largement inspirées mais utilisent différents noms et acronymes pour désigner leur zone d’apprentissage. Notons que dans les dernières années, Burton a aussi créé au même moment une technique d’apprentissage orientée sur le plaisir, dessinant un parc (Riglet park) ainsi qu’une gamme de snowboard spécialement modifiés pour permettre aux jeunes planchistes et aux moniteurs de se familiariser avec la technique de glisse. Ainsi, on retrouvera des modules d’apprentissage par le terrain dans les stations suivantes: Bromont, Mont Gleason, toutes les stations des Sommets, Ski Saint-Bruno, Val Saint-Côme, et plusieurs autres qui ont créé quelques variantes pour répondre à la demande. 

Si vous songez à vous mettre au ski alpin cet hiver, le choix d’une de ces stations pourrait vous aider à réaliser votre souhait. Et lorsqu’on demande aux moniteurs si cette méthode est efficace, la réponse est unanime: oui! La progression des débutants s’effectue presque deux fois plus rapidement (selon les skieurs) et tous les apprenti-glisseurs à qui on a demandé s’ils avaient eu du plaisir ont répondu par la positive avec un grand sourire. Aurait-on trouvé la solution pour augmenter le nombre de skieurs sur les pentes? Espérons-le!

Cet article a été initialement publié en décembre 2015 mais il a été mis à jour sporadiquement afin de demeurer d’actualité!

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Geneviève Larivière
Adepte de plusieurs sports de glisse, Geneviève sépare son temps entre le plein-air, le tourisme, la production de contenu écrit et les photos de chats. En station, vous la retrouverez dans un sous-bois, occupée à contempler le paysage entre deux virages.