Quand Andy Gillespie a commencé à faire du télémark, il y a plus de 35 ans, il n’y avait à toute fin pratique qu’un seul type de skis disponible: longs, étroits et avec presque aucune coupe radiale (sidecut). Tout le monde était heureux avec une seule paire puisqu’une de plus ne présentait que peu d’intérêt. Certes, les fabricants possédaient chacun leurs matériaux magiques à l’intérieur de leurs “planches”. Mais en 1993, Elan arrive sur les pistes avec le SCX. Avec une coupe radiale radicale (ouh, 22 mm!), le SCX venait de donner naissance au carving. C’était la fusion du “parabolic” et du diabolique. On a alors assisté à l’avènement des skis de spécialité. Le ski unique bon à tout faire risquait de sombrer dans les crevasses de l’oubli. Et c’est ainsi qu’est née la question existentielle: Combien de paires de skis faut-il pour être heureux? Malgré la publicité, Andy est comme la majorité des adeptes de la glisse: il ne possède qu’une seule paire de skis. Est-il malheureux pour autant?

Photo tirée du site web de Elan

Alors, combien?

Avec quatre paires de ski, suis-je plus heureux, plus accompli, davantage comblé. Oui, bien sûr. Et non, absolument pas. La vérité toute crue, c’est que le ski ne fait pas le skieur. La quantité de skis non plus. J’aurais tellement voulu que ce soit le cas! Cependant, je mets toutes les chances de mon côté en emportant au moins deux paires à chaque sortie. On ne sait jamais… Le profil du skieur québécois a beaucoup évolué au fil des ans. Tout comme le sport lui-même. On recherche maintenant des conditions et du terrain variés. Changements climatiques obligent, une journée peut offrir 40 centimètres de neige légère alors que la pluie verglaçante de la nuit suivante donnera lieu à une misérable croûte. Parfois, c’est l’absence de nouvelle neige pendant trois semaines qui oblige les opérateurs de station à recycler la même neige fabriquée jour après jour. Ainsi, posséder une sélection de skis différents peut s’avérer judicieux pour plusieurs. Entre posséder une paire ou quatre, un monde de possibilités existe. L’expérience de chaque skieur demeure son meilleur conseiller. De plus, pour être multi-propriétaire de skis un bon budget est un must.

Photo ArkiTechMK (tirée de Reddit)

Ils/elles ont dit

Jasmine Lacombe (35 ans) possède une seule paire de ski: “Je les aime, ils vont bien, ils m’amènent partout. Je ne sais pas quelle marque; ils sont rouges avec des lignes bleues… Je ne vois pas ce que je ferais d’une paire de plus. Quand la neige n’est pas à mon goût, je reste à la maison!”

Joe Malacci (57 ans): “Quand j’aurai fini d’élever mes deux ados et que j’aurai réglé la dernière facture de leur éducation, je vais me gâter. Deux ou trois paires de skis accrochées au mur du garage me donneront l’impression d’être devenu le skieur que j’ai toujours rêvé d’être: polyvalent et solide. En attendant, je file l’imparfait bonheur sur une seule paire”.

À la question de savoir si plus égale mieux, Michel Labrie souligne ses 68 ans. “Avec deux paires de skis, probablement mes derniers, je vais partout où je veux; ce qui veut dire du damé parfois mou, parfois un peu durci. Rien d’autre. En vérité, j’utilise presque toujours les mêmes skis. La deuxième paire sort rarement et sert peut-être à flatter mon égo vieillissant…”

Zed (27 ans, mais filant tout droit sur ses 16 ans) peut s’enorgueillir d’être la propriétaire de 6 paires de skis! Je n’ai rencontré personne qui en a autant. “Je les utilise tous à un moment ou à un autre durant la saison. Je skie de novembre à juin, au moins 150 sorties par année. En station, en hors-piste, en Europe, dans l’Ouest, à Tuckerman Ravine… Name it, j’y suis allée. Vivre avec une seule paire de skis? Aussi bien me mettre au tricot!” Zed m’a aussi parlé intimement de ses… différentes bottes de ski. Mais ça, c’est une autre histoire.

Photo tirée du site web de Vermont Sports

Par où commencer?

Si vous souhaitez vous constituer un carquois de skis (le proverbial quiver of skis des Américains) qui vous offre plus de possibilités, il vous faudra d’abord déterminer votre niveau de ski et établir la liste des endroits où vous skiez, ainsi que les conditions de neige que vous y rencontrez habituellement. Les conseillers en boutique sauront vous guider dans le choix des flèches qui garniront votre carquois. En général, deux paires de skis satisferont la majorité des skieurs. Des “planches” plus rigides pour une part importante des journées skiées en station au Québec, plus une seconde paire plus large et plus souple pour les journées (oh, rarissimes chez-nous!) de neige fraîche.

Photo Julie Tremblay (ZoneSki)

Avec une seule paire

Des skis capables d’affronter presque toutes les conditions et types de terrain existent bel et bien. La catégorie dite All Mountain (Toute Neige, All Terrain, etc.) est celle sur laquelle on peut miser en toute confiance. C’est sans doute le type de skis que l’on rencontre le plus souvent sous les bottes des skieurs québécois. En boutique, les murs en sont bien garnis. De plus, bien conseillé, il est facile de trouver un ensemble skis/fixations qui fera aussi bien le travail en station qu’en hors-piste et ce, peu importe les conditions de neige.

Photo tirée du site web de Rossignol

Alors, le bonheur en ski?

Plus ou moins de paires de skis importe peu. C’est un choix personnel. Le bonheur tient davantage au moment qu’au nombre. Se gâter un brin en garnissant le mur du garage d’une belle sélection de skis ne fait de mal à personne. N’avoir aucuns skis, ça c’est malheureux! Alors Andy et sa paire de skis unique, n’a pas à s’en faire; le nirvana est déjà ici, sous ses pieds.

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Patrick Teasdale aime beaucoup jouer dehors. Télémarkeur depuis longtemps, il explore maintenant les possibilités du ski de randonnée alpine. Il troque volontiers sa pagaie groenlandaise ou ses skis pour une tasse d'excellent thé vert japonais. Un brin poète et idéaliste, il ne demande qu'à être émerveillé par une trouée de lumière, un chant d'oiseau ou une lame de neige. Il aime soigner ses chroniques et ses photos.