En mai dernier, la station albertaine Nakiska a mis en vente son abonnement de saison à un prix ahurissant: 199$ pour le « Early Bird », ce qui représente un rabais de 620$ par rapport au prix régulier de 819$. Ahurissant, je vous le dis. Cette promotion avait fait l’objet d’un très grand nombre de partage sur les réseaux sociaux, mais n’a eu que bien peu d’écho dans l’industrie du ski du Québec.

Avant d’aller plus loin dans les histoires de prix, parlons de Nakiska. C’est une station située à environ une heure de route à l’ouest de Calgary, juste au sud de Canmore. La montagne offre un dénivelé total de 735 mètres (pour référence: le Massif de Charlevoix, lorsque la piste du même nom est ouverte de haut en bas, offre 770 mètres), comporte 71 pistes de niveau principalement débutant et intermédiaire, mais avec quand même près d’une quarantaine de pistes de niveau expert. La station fabrique de la neige sur la très grande majorité de son domaine skiable car elle ne reçoit que 250cm de neige annuellement. En comparaison, les voisines Big 3 (Lake Louise, Sunshine Village et Norquay) reçoivent plus de 9 mètres. L’altitude est bien entendu le principal facteur; Nakiska culmine à 2 260 mètres, soit 500 de moins que Sunshine Village par exemple. Pour boucler le portrait, on peut faire un parallèle avec un Bromont, un Saint-Sauveur ou un Stoneham pour la proximité avec les centres urbains et le type de ski qu’on y pratique.

Dans un article du Calgary Herald, daté du 27 mai 2014, le point de vue de la station est exprimé, ainsi que les paroles d’un sceptique. L’article cite Matt Mosteller (ventes et marketing pour RCR, qui possède Nakiska), qui relate que la décision de la station de couper le prix de l’abonnement est de faire sa part pour augmenter le nombre de skieurs actifs sur les pistes. Personne ne peut être contre ça! L’idée peut cependant rappeler un peu les diverses promotions de Bromont mais la comparaison demeure faible car Bromont mise davantage sur l’aspect social et sur la variété presque infinie de produits d’abonnements; Nakiska offre à peu de choses près le même éventail d’abonnements qu’on retrouve partout ailleurs.

Les sceptiques ont tout de suite vu l’opportunité pour les habitués, qui se sont effectivement rués sur l’abonnement: à ce prix, la réflexion n’a pas duré longtemps. La station a bien entendu enregistré des ventes record et les mauvaises langues prétendent que ce tarif alléchant n’aura aucunement servi à ramener davantage de skieurs sur les pistes… Je me permets d’avoir une opinion différente, puisque j’ai la chance de connaitre une planchiste « occasionnelle » qui a acquis l’abonnement, avec la ferme intention de s’y mettre plus sérieusement. Ce n’est qu’une personne, me direz-vous, mais soyons optimistes: je pense que la tactique Nakiska aura payé davantage qu’on le pense. Je me répète souvent à propos de l’effet d’entrainement, mais ce prix aura sans doute servi à convaincre plus d’un skieur dont l’entourage est déjà converti!

Pourrait-on voir ce type de promotion au Québec? Je jongle avec cette interrogation depuis que j’ai lu l’article du Calgary Herald cet été. Je me questionne car d’une part, la démographie me semble proportionnellement « comparable »: Calgary est à l’Alberta ce que Montréal est au Québec, Edmonton et la Ville de Québec sont toutes deux moins populeuses que les métropoles bien qu’elles soient capitales provinciales. Bien entendu, l’état économique de l’Alberta ne se compare pas à celui du Québec, et la proximité avec des stations de ski de haut calibre n’est pas non plus comparable. Ceci dit, Calgary est un cas de figure fort intéressant à étudier à cause de son haut niveau de croissance, ainsi que de la forte proportion de population issue de l’immigration. Je me questionne aussi sur les moyens de marketing et communication mis en place pour effectuer la promotion de l’abonnement en mai dernier: j’ai vu le partage sur les réseaux sociaux, la réponse m’a paru virale mais qu’en est-il réellement sur le terrain? Comment l’information a-t-elle été véhiculée? De quelle ampleur était la campagne?

L’Alberta compte 29 stations de ski en opération sur son territoire. Oui, « que » 29… dont quatre directement dans les Rocheuses: la proximité avec la Colombie-Britannique fausse l’image qu’on a de l’Alberta. (Pour les curieux, visitez Go Ski Alberta, le site de l’équivalent de l’ASSQ. Jetez un oeil à la répartition géographique des stations de ski…)  Au Québec, environ 75 stations de ski se partagent la pointe de tarte de la population de skieurs. Est-ce que l’offre « trop grande » fait en sorte qu’il est impossible de voir un prix réduit de la même manière qu’à Nakiska?

L’an dernier, j’ai rédigé une série de trois textes sur la vraie valeur d’un billet de ski au Québec. Le véritable questionnement qui se pose quand on réfléchit au prix de l’oiseau du matin à Nakiska, au-delà du concept de l’économie d’échelle, c’est plutôt de savoir quelle est la valeur réelle d’un billet de ski en Alberta. Et pour répondre à cette question, j’aimerais d’abord en savoir davantage sur l’implication des différents paliers gouvernementaux, et connaitre l’apport du financement privé dans l’exploitation d’une station de ski. Le prix de l’énergie fait bien sûr partie des enjeux; le gouvernement provincial albertain aborde-t-il l’industrie du tourisme hivernal de la même manière que le nôtre? Chose certaine, le pari de Nakiska est porteur de bonnes intentions et me laisse croire qu’on peut oser faire les choses différemment, pour obtenir des résultats différents.

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Geneviève Larivière
Adepte de plusieurs sports de glisse, Geneviève sépare son temps entre le plein-air, le tourisme, la production de contenu écrit et les photos de chats. En station, vous la retrouverez dans un sous-bois, occupée à contempler le paysage entre deux virages.