Cette discipline n’a rien de nouveau en soi, disons-le d’emblée. Elle est, depuis les deux ou trois dernières années, de plus en plus à l’avant-plan dans les commerces, dans l’esprit des skieurs et dans les discussions qu’entretiennent les différents acteurs de l’industrie du ski. C’est néanmoins une discipline fort ancienne, qui existait bien avant l’avènement des premières remontées mécaniques. À l’époque, les ingrédients étaient simples: avoir un esprit aventurier, grimper un versant enneigé, et descendre. Du hors-piste sans tracas, puisque le concept « en piste » n’existait pas non plus!

L’évolution

Inutile de dire à quel point les choses ont changé depuis ce temps. Le matériel à lui seul porte tous les signes de la modernisation: matériaux légers, fixations et bottes polyvalentes, brevets ici et là… même les peaux de phoque n’ont plus raison d’être puisque plus aucun phoque n’est utilisé pour grimper une montagne! La pratique du ski hors-piste est désormais bien plus accessible par le biais d’un équipement simple d’utilisation et à portée de tous. De plus, la tendance étant à l’ouverture et à la communication facile et rapide des domaines hors-piste par l’intermédiaire des réseaux sociaux, cette discipline gagne des adeptes de saison en saison, et tous ont une idée en tête: la liberté.

Dressé de cette manière, le portrait semble plus que positif. Mais puisqu’aucune médaille n’est assez mince pour n’avoir qu’un seul côté, allons voir ce qui se cache du côté « obscur » du hors-piste… Car la grande problématique du lieu demeure le nerf de la guerre pour les skieurs; certains allant jusqu’à dire que le « vrai » hors-piste n’existe tout simplement pas. Mythe ou réalité? Et d’abord, qu’est-ce que c’est, le « vrai » ski hors-piste?

Les débats

L’appellation en soi rencontre des opposants de tous les horizons. Puisque le terme « hors-piste » vient de ceux qui ont démonisé les skieurs qui skiaient entre les pistes en station, la discipline est en quête d’identité à travers le terme qui la représente. Plusieurs variantes existent: ski de haute-route, ski de randonnée, remontée alpine, ski de montagne, backcountry, sidecountry, bref, il y en a pour tous les goûts et il est presque impossible de s’y retrouver réellement lorsqu’on se met à comparer les différents secteurs et offres de services.

La Fédération Québécoise de la Montagne et de l’Escalade, qui développe depuis peu un volet « ski de montagne » s’est offert dernièrement à mettre sur pied un comité composé de diverses entreprises bien présentes dans le milieu afin d’éclaircir entre autres la question de l’appellation. Même en passant par-dessus le débat sémantique, un autre problème demeure: l’accessibilité aux différents domaines skiables. Tel qu’évoqué un peu plus tôt, la rapidité de transmission des informations sur les réseaux sociaux fait en sorte qu’il est relativement facile de s’intégrer à un groupe de discussion dont les passionnés défrichent leur secteur privé bien à eux, faisant abstraction des lois, des bonnes pratiques, des protocoles de sécurité et de la préservation de l’environnement. Le mot d’ordre: le silence, et la gratuité.

Devant ce manque de structure, certains acteurs ont ressenti le besoin d’encadrer la pratique du ski hors-piste. De là, deux grandes tendances se sont dégagées: d’une part, on veut conserver l’idée de liberté, et d’autre part, on veut « jouer le jeu », être « légal » et faire les choses « bien » de manière à avoir un maximum d’appui de la part des instances gouvernementales et des assureurs.

Le paradoxe

Malheureusement, la pratique du ski hors-piste entre en conflit avec bons nombres de lois et de préceptes auxquels les assureurs et les hommes de loi tiennent très fort. Au Québec, la loi prévoit que les propriétaires d’un terrain sont responsables de ce que les visiteurs y font. Une autre loi stipule que le ski alpin doit être encadré par le code de conduite en montagne et ce dernier est clair: le ski en dehors des pistes balisées est interdit. D’autres lois touchent à divers aspects ayant un impact sur la pratique du ski hors-piste, mais globalement, la structure légale en place barre le chemin à bien des projets depuis les dernières années puisque, disons-le clairement, le ski hors-piste est illégal au Québec.

En deuxième lieu, un autre frein majeur -et sans doute la motivation derrière les lois- est mis par les assurances et les programmes gouvernementaux. La solution, pour les bureaucrates, est de chercher à encadrer le sport, de normaliser le terrain, les pratiques, le matériel… Bien entendu, cette solution est décriée haut et fort par les adeptes et les puristes, qui désirent avant tout… la liberté. Avec le temps, les skieurs sont devenus maitres dans le défi de l’interdit, exploitant ici et là plusieurs terres de la couronne et autres versants privés mais ô combien skiables, et au diable les préoccupations administratives!

Les tentatives

Depuis quelques années, certains joueurs dans le milieu ont entrepris de se battre pour faire évoluer la question de l’accessibilité aux secteurs hors-piste. On se rappellera des débuts de la Zone Blanche dans le Parc régional de Val d’Irène, qui fut l’un des premiers secteurs hors-piste privés au Québec. Avec la collaboration de l’Association des Stations de ski du Québec, des assureurs, du ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (anciennement le ministère de l’Éducation, des Loisirs et des Sports) ainsi que de certains patrouilleurs de Val d’Irène, un protocole de sécurité a été mis au point et les paramètres nécessaires au développement d’un endroit skiable et non-patrouillé ont été mis sur pied en projet pilote. Cependant, bien qu’annexer un secteur hors-piste à une station de ski en opération semble être une partie facile, lorsqu’il s’agit de prendre un endroit complètement nouveau et de le rendre accessible en ski hors-piste uniquement, ça devient une toute autre histoire.

La Fédération Québécoise de la montagne et de l’escalade (FQME) propose depuis peu de légaliser des terrains pour le ski de montagne détenus par des organismes sans but lucratif (OSBL). Le concept est fort simple: d’abord, une entente est conclue avec les propriétaires ou l’OSBL pour assurer gratuitement le terrain en responsabilité civile. Puis, les droits d’accès, obligatoirement assumés par le visiteur, doivent englober un montant de 10$ par jour ou 32$ par année, qui couvrira le visiteur (preneur du contrat pour la durée déterminée) en cas d’accident. Aucun patrouilleur n’est alors requis, ni d’infrastructure (salle de patrouille, etc.). Les exploitants de terrains doivent toutefois établir un protocole de base pour la sécurité mais c’est là la seule obligation. En cas de besoin, le sauvetage d’un client se fera par les les organismes de secours déjà en place, et les frais appliqués seront facturés aux assurances. Ce modèle est déjà bien en place pour les murs d’escalade un peu partout au Québec, dont l’accès posait la même problématique que les domaines hors-piste. Cependant, le programme n’est offert qu’aux OSBL, ce qui en limite énormément l’accès pour les entreprises incorporées ou enregistrées.

La complexité du dossier fera probablement en sorte que bon nombre des exploitants rebrousseront chemin devant l’ampleur du travail à accomplir: plus facile de défricher un sous-bois que des procédures administratives… Mais la solution pour que se rejoignent l’offre et la demande devra obligatoirement passer par un assouplissement des règles et des compromis seront nécessaires, tant du côté des adeptes et des exploitants que du côté des assureurs et législateurs. Il n’y a qu’à penser au grand nombre d’anciennes stations de ski, dont les pistes sont encore allègrement entretenues, défrichées et skiées (illégalement!); une entente et des procédures permettant l’accès aux lieux convoités dans un contexte ouvert et sécuritaire est le voeu de Noël de l’ensemble des propriétaires et skieurs buissonniers.

Le besoin est criant: il faut trouver une solution viable pour les entreprises qui souhaitent laisser leur terrain accessible à la population et les prochains mois risquent d’être fort riches en terme de dialogues entre les divers organismes, qui tenteront tous de tirer leur épingle du jeu le mieux possible. Reste à espérer que ça se fasse rapidement, et qu’il y ait assez de neige pour que tous puissent assouvir leur besoin de poudreuse et de liberté…

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