Cher Père Noël,
Je sais que tu sais que je sais (!) que tu n’es pas tout à fait celui qu’on laisse croire aux tout-petits. Mais comme les prières peuvent être envoyées à toutes les divinités auxquelles on choisit de croire, je me permets de t’adresser cette missive, à quelques heures de ton passage chez nous. Ne t’en fais pas, je ne te demanderai rien qui nécessitera un chargement supplémentaire, tu n’as pas à faire de détour pour moi! Tu vas comprendre en me lisant…
Père Noël, cette année, je t’écris pour te parler de deux petites choses qui me préoccupent. Comme tu le sais déjà, je suis une skieuse très sage. Je n’ai pas besoin de t’énumérer tout ce que je fais (ou ne fais pas) pour m’auto-proclamer sage, mais je dois t’avouer que je perds parfois un peu de cette sagesse quand je constate les tracas quotidiens qui minent le moral des skieurs et des employés des stations de ski. J’espère que tu ne m’en voudras pas de parler en mon nom, mais également au nom de tous ceux qui travaillent très fort pour nous donner l’occasion de skier. Ils sont très sages eux aussi! J’ai vérifié, tu peux me croire.
La première chose qui me chicote, c’est que depuis plusieurs années, il est de plus en plus difficile pour les stations d’ouvrir à temps pour la période festive durant laquelle tu nous visites. Il tombe moins de neige, et même si, grâce à la magie, on réussit à en fabriquer, on la perd très souvent à cause de la pluie. Je ne sais pas exactement l’état de ta relation avec Dame Nature, mais si tu pouvais lui glisser un petit mot en notre faveur, ça ferait beaucoup d’heureux. Je sais, tu vas me parler du réchauffement climatique… tu dois d’ailleurs être un témoin privilégié malgré toi de la régression des glaciers et du changement de température. J’espère que ça ne te pose pas trop de problèmes pour tes déplacements!
Comme tu le verras en arrivant au Québec, c’est franchement décourageant par ici! C’était si bien parti cette année… on a eu droit à des ouvertures spectaculaires, des conditions de janvier en novembre… mais on ne s’ennuyait pas des conditions d’octobre! J’espère que tu n’as quand même pas prévu nous offrir une tondeuse, ce serait légèrement vexant!
L’autre truc qui m’agace, c’est l’humeur des skieurs. On dirait qu’il n’y a jamais rien à leur goût! Jamais assez de neige, jamais assez de pistes ouvertes, jamais assez d’employés à la cafétéria, jamais assez de remontées mécaniques en opération, jamais assez de rabais… Partout, quand je me promène sur les réseaux sociaux (que je commence à franchement délaisser, les dictionnaires et grammaires que tu as donnés aux pires rédacteurs ne servent pas!), tout ce que je lis, c’est du mécontentement. Que ça couine, que ça chiale, que ça grogne… C’est comme si tous les efforts faits par tous les employés ne comptaient pas!
Père Noël, pour cette année, je ne veux pas de cadeaux. Même si c’est agréable d’en donner et d’en recevoir, je pense qu’on aurait tous besoin de quelque chose qui ne s’offre pas: de la sérénité. Ça nous permettrait de prendre du recul, de changer notre vision d’une situation, de voir ce qu’on peut y changer (ou non!), et de l’aborder avec positivisme.
Oui, c’est ça, de la sérénité.
De la sérénité, pour voir ce qu’on doit changer en nous, dans nos comportements, nos attentes et nos habitudes, afin de rendre le tout plus facile à vivre, pour tous.
De la sérénité, pour réaliser la chance qu’on a d’avoir des milliers d’employés dévoués qui s’acharnent, heure après heure, semaine après semaine, saison après saison, pour nous donner du plaisir à glisser sur les pentes d’une montagne.
De la sérénité, pour communiquer la gratitude qu’on ressent face à tous ces membres d’une équipe qui travaille sans répit, pendant que les skieurs dorment ou festoient, pour offrir le meilleur d’un sport d’hiver qui fait vivre des communautés entières.
De la sérénité, pour accepter le froid mordant qui permet aux équipes de neigistes de produire l’or blanc, pour effacer les traces de pluie des jours précédents.
De la sérénité, pour attendre avec patience notre tour au service à la clientèle, à la cafétéria, au bar, ou à la remontée mécanique, car malgré la pénurie de main d’oeuvre qui sévit dans l’industrie du ski, chaque station redouble d’effort pour offrir à ses clients l’occasion de partager le plaisir de la glisse et de l’après-ski.
De la sérénité, pour passer par-dessus la frustration, les dents serrées et la veine du cou sortie parce qu’on n’a pas trouvé de stationnement pour magasiner à quelques heures de la fermeture des commerces.
De la sérénité, parce que même si on n’a pas un Noël blanc partout au Québec, on a un Noël avec des gens qu’on aime, sous un toit, au chaud, avec bien plus de confort et de nourriture qu’on en a réellement besoin.
Voilà, Père Noël. Peux-tu nous envoyer de la sérénité, s’il te plait?
Joyeuses Fêtes tout le monde… et soyez sereins!