Apprécier les privilèges
Parce que oui, je suis privilégiée. Ayant la chance de pouvoir moduler mon horaire, j’ai travaillé des demi-journées en fin de semaine pour avoir mon lundi libre et pouvoir profiter des conditions de ski après la cohue. Je n’ai même pas besoin d’élaborer: un dimanche après une tempête, même sans restrictions de pandémie, c’est la cohue… alors mieux valait, pour préserver ma santé mentale, m’arranger pour profiter du lundi. Ça fait de moi une privilégiée, et en chaussant mes bottes de ski dans le stationnement, j’avais une pensée pour tous ces travailleurs essentiels qui étaient déjà en poste (peut-être au début de leur 2e shift) alors que je m’apprêtais à prendre place dans une remontée mécanique.
Rien comme la neige naturelle
Chaque année, on rend hommage aux équipes de neigistes et aux opérateurs de dameuse qui travaillent sans relâche pour faire un pied de nez quotidien à la météo et offrir davantage de domaine skiable à la toujours plus avide clientèle. Chaque année, des records sont brisés: nombre de canons en fonctionnement, volume de production garanti, superficie agrandie, ouverture devancée… mais chaque année, la première grosse tempête nous afflige d’une amnésie collective et nous fait oublier tous ces efforts et dollars investis: malgré la meilleure application de la science derrière la fabrication de neige, rien ne vaut le flocon tombé du ciel.
C’est ce que nous avions sous les skis dans toutes les pistes parcourues aujourd’hui. Le versant nord a mérité notre plus grande attention à cause de l’affection portée à l’Anore ou la Première Neige en bosses naturelles, à la Sydney-Dawes (ne vous laissez pas effrayer par les quelques petites branchouilles visibles à l’entrée!), et à toutes les autres pistes au délectable damage parfait. Mon coup de coeur du sud: les Ilots, à déguster avec prudence pour cause de petite rocaille surprise (surtout en fin de piste). À l’image du gâteau trop bien décoré qu’on attaque avec méthode pour ne rien défaire, les pistes se sont laissé avaler tout au long de la journée et chaque bouchée a été méticuleusement savourée.
Le gâteau figue-raisin
En ouverture de ce billet, j’ai indiqué être privilégiée. Tous les skieurs qui ont pu exécuter des virages aujourd’hui, où qu’ils fussent, l’étaient aussi. En profitant du calme après la tempête de flocons et d’humains, je cumulais les virages et les descentes en faisant un effort supplémentaire pour profiter du moment présent. Parce que pas loin derrière moi, comme une ombre qui fait fi de l’emplacement du soleil et des nuages, il y avait la possibilité de perdre ce privilège, ce qui m’attriste profondément. Alors je me secouais, je regardais l’éclat du soleil sur la neige recouvrant les montagnes au loin, et je repartais pour une autre bouchée de gâteau. Parfois il goûtait la figue, parfois le raisin… mais j’en ai laissé derrière moi. À qui la chance?