En lisant un commentaire peu flatteur à propos d’une «petite station en région» sur Facebook, mon cerveau s’est mis à tourner. Ce commentaire, dénué de sympathie, s’éloigne particulièrement du discours que je m’apprête à tenir. Je vous en prie, assoyez-vous bien confortablement: aujourd’hui, je prends la défense des stations de ski qu’on appelle affectueusement «petites», «familiales», «de région», «modestes»… passons les termes moins pittoresques.

**Définissons grossièrement le terme «station régionale»: éloignée du giron d’une grande agglomération urbaine, présentant moins de 20 pistes, ainsi qu’un dénivelé inférieur à 250m.**

Souvenez-vous un instant: où avez-vous appris à skier? Rappelez-vous: où vos parents allaient-ils skier? Plusieurs d’entre vous penseront à des stations qui sont aujourd’hui fermées… nostalgie, souvenirs et autres sentiments du passé vous envahiront brièvement (sans plus, hein, vous êtes pressés). Laissez-moi vous aider un peu:

«Ah, c’était tout petit, parfait pour apprendre!»
«J’aimais beaucoup ça, tout le monde se connaissait, c’était facile!»
«Mes parents me laissaient y aller tout seul, c’était génial!»

Maintenant, vous êtes un skieur adulte, aguerri, vous avez déménagé, accompli vos études avec brio, vous avez un emploi, un salaire, des goûts de luxe, voire peut-être les moyens de vous payer le sus-mentionné luxe, alors vous ne skiez qu’avec des grandes marques, chez des grands noms. Vos enfants apprennent aussi à skier, comme vous… à grands coups de cours encadrés, de frais de moniteurs et d’investissements sur les équipements. (Je caricature à peine.)

Malgré toute votre bonne volonté, votre progéniture ne skie que 4 fois par saison -à moins que vous ne comptiez parmi vos luxes le condo en montagne… étrangement, chaque sortie de votre enfant est couronnée de grands frais, et d’une expérience mitigée pour Junior: trop de monde, trop vite, trop bruyant, trop grosses chaises, trop grosse montagne… trop tout.

Là, vous me voyez venir, avec mes gros sabots?

Pourquoi renier les stations régionales, pourquoi les minimiser ou les ridiculiser? Pensez un peu que sans ces stations, il y aurait moins de relève chez les skieurs, moins d’emplois, moins de loisirs, moins de socialisation et ce, à l’échelle provinciale! Pour les gens de la ville, l’impact socio-économique d’une station régionale est ignoré; la population citadine se bornant à rire d’un faible dénivelé ou d’un maigre décompte de pistes. Or, les stations régionales, certes de moins grande envergure que les «resorts» de ce monde, n’ont pas pour autant moins de gloire -j’irais même jusqu’à croire le contraire pour certaines d’entre elles.

Fruit de passion et d’acharnement, fierté locale et régionale, centre collectif et communautaire de loisirs et d’activités de plein air, ces stations «tout en un» font souvent office de pivot central pour la population locale. Pourtant, leur survie économique est toujours dans un équilibre précaire. Pour la plupart de ces montagnes, une saison avare de neige est synonyme de questionnement: aura-t-on les moyens d’opérer la station un an de plus? Avez-vous déjà pris la peine de vous interroger sur la véritable réalité des gestionnaires et directeurs de ces centres? Ai-je besoin de vous ramener à la liste des stations qui ont mis la clé sous le paillasson dans les dernières années?
Loin de moi l’idée de prendre les stations régionales en pitié. Mon objectif est simple: vous faire réfléchir sur le respect qu’elles méritent vraiment. Car elles n’ont pas besoin de pitié… elles ont simplement besoin qu’on reconnaisse ce qu’elles sont véritablement: un moteur d’activité socio-économique régional crucial pour la santé physique et mentale de sa clientèle. L’objectif de ces stations est tout aussi simple: elles contribuent à rendre un sport coûteux accessible à une clientèle éloignée des centres urbains, et souvent moins fortunée.

Le mépris des petits est si facile; la connaissance et l’appréciation le sont moins. Quand on juge un livre par sa couverture, on commet l’erreur la plus sotte qui soit: émettre une opinion sans connaître les faits pour la justifier. Evitez donc la loi du moindre effort…

Régionalement vôtre!

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Geneviève Larivière
Adepte de plusieurs sports de glisse, Geneviève sépare son temps entre le plein-air, le tourisme, la production de contenu écrit et les photos de chats. En station, vous la retrouverez dans un sous-bois, occupée à contempler le paysage entre deux virages.