Si on lui avait dit qu’un jour il serait responsable d’un domaine skiable dédié à la randonnée alpine, Jason Hodkin aurait franchement éclaté de rire: mais pourquoi diable se lancerait-il dans cette aventure? Aujourd’hui, près de huit ans après avoir mis le doigt dans l’engrenage, il n’a toujours pas la réponse complète. Chose certaine, savoir qu’il contribue à la nouvelle vie d’une ancienne station de ski opérée en modèle classique jusqu’en 2014 fait partie des éléments qui le rendent fier. Après avoir fait table rase sur les infrastructures en place, la station désormais vouée aux activités « hors-piste » a accueilli ses premiers membres en 2015-2016. Portrait de l’évolution de l’endroit.

Après le flottement, les multiples chantiers

Ce n’était pas une petite tâche qui attendait M. Hodkin alors qu’il a repris les rennes de l’endroit. Bien conscient du potentiel de la montagne, le nouveau directeur général n’était toutefois pas au bout des découvertes et apprentissages que la gestion d’un tel projet allait lui offrir. Il fallait tout d’abord faire un nettoyage en profondeur, coordonner les corvées d’entretien des pistes et des boisés, planifier les investissements et les divers chantiers de destruction, puis de construction… on aurait le vertige pour moins que ça! (Lisez l’article publié en 2016 qui retrace les diverses étapes parcourues lors de la première saison d’opération.)

L’endroit est particulièrement prisé lors des lendemains de tempête: la “snow belt” des Laurentides ne déçoit que très rarement! Photo M-A Brissette

Dans les cinq premières années de sa nouvelle vie, le Mont-Alta a subi un rafraichissement de plus de 250 000$. Aménagement forestier, construction de la pergola, installation du refuge et du local du patrouilleur, drainage stratégique pour favoriser l’écoulement de l’eau, nivelage du stationnement, signalisation des pistes… tout a été revu et amélioré pour combler les abonnés et visiteurs journaliers de la montagne. Cela peut sembler énorme comme montant, mais en comparaison avec les coûts d’exploitation d’une station au modèle classique avec remontée mécanique, les dépenses sont minimes. Il faut toutefois parvenir à les financer! M. Hodkin y arrivait en partie en louant la montagne à des événements sportifs, ce qui, ajouté aux montants de la vente des abonnements, permettait des petites améliorations d’année en année.

La pergola et le départ d’un sentier d’ascension. Photo P. Teasdale
L’intérieur chaleureux de la pergola. Photo G. Larivière

Les défis du maintien des lieux

Contrairement à la croyance populaire, il ne faut pas simplement que la neige tombe pour que la montagne vive et que les skieurs s’y amusent. En saison, chaque bordée demande évidemment la visite d’un déneigeur pour rendre le stationnement utilisable; les sentiers d’ascension, pistes et boisés sont fréquemment inspectés pour s’assurer que les arbres tombés ou branches cassées ne créent pas des risques supplémentaires. De plus, le Mont-Alta a à coeur le confort de ses membres et tient à s’assurer que la pergola offre un feu accueillant et que les toilettes chimiques ainsi que le refuge soient entretenus régulièrement.

Si vous avez déjà été abordé par un grand gaillard au large sourire lors de votre visite au Mont-Alta, vous avez sans doute rencontré le patrouilleur en service, François-Xavier (Ef Fix pour les intimes!). Jusqu’à tout récemment, il était le seul employé à temps plein de l’endroit. « Toutes autres tâches connexes » est la meilleure description de son rôle: assurer la sécurité des pistes, ouvrir et fermer les barrières du stationnement, veiller à ce que les visiteurs soient bien titulaires d’un abonnement de saison ou d’un billet invité, et répondre à toutes sortes de questions tout au long de la journée. Oui, vous pouvez venir avec votre chien, mais gardez-le en laisse! Oui, le refuge est chauffé. Non, vous ne pouvez pas rester après 16h00.

François-Xavier, toujours fidèle au poste. Photo G. Larivière

Sans François-Xavier, la montagne ne pourrait pas accueillir ses abonnés, assurances obligent. Dans les dernières semaines, au tout début de 2023, Jason Hodkin a réussi à agrandir l’équipe sur place, ce qui donne un peu de répit à François-Xavier. Hors saison, seul le directeur général s’occupe de la gestion de la vente des abonnements de saison, des communications en tout genre avec la clientèle et les divers intervenants ainsi que les bénévoles, ce qui demande de quelques heures par semaine à plusieurs dizaines d’heures de travail par mois pour M. Hodkin, qui assume ces tâches bénévolement…

Jason Hodkin prend quelques minutes pour répondre à mes questions tout en entretenant le feu. Photo G. Larivière

La pression financière et humaine

Alors que je recueillais ses propos en novembre 2020, Jason Hodkin abordait sa sixième saison avec un optimisme frileux: malgré la bonne réponse et le vaste soutien de la communauté qui est maintenant habituée aux bonnes pratiques en vigueur au Mont-Alta, la pandémie a jeté une chape de plomb sur les états financiers de la montagne. En effet, depuis son relancement en formule randonnée alpine, la montagne allait être rentable pour la première fois en 2019-2020, lors de sa cinquième année d’existence. Le confinement et l’annulation forcée des événements prévus au printemps 2020 ont donc créé un trou qui allait être difficile à combler… en plus des reports ou remboursements des ventes effectuées pour les abonnements de saison. Heureusement, en regardant la saison 2022-23, le directeur général peut affirmer avec fierté que la montagne est officiellement rentable.

Tous les détenteurs d’abonnements de saison signent des conditions d’utilisation à l’achat de leur droit de passage. Un rappel est toutefois pertinent… Photo G. Larivière

Dans l’ensemble, les utilisateurs qui fréquentent le Mont-Alta en prennent grand soin des lieux et donnent un coup de main au « contrôle »: si un abonné présent constate qu’un visiteur ne dispose pas d’un abonnement de saison ou d’un billet clairement affiché, il s’efforce de le conscientiser sur l’importance d’acquérir son droit de passage. Malgré quelques épisodes de vandalisme ou de vol rapportés dans les dernières années, les infrastructures sont bien maintenues et la santé de la montagne est bonne. Au cours des sept dernières saisons complètes d’opération, aucun incident n’a été rapporté aux services d’urgence. Somme toute, le portrait est positif! Sauf pour la facture annuelle des fameux frais « fixes » qui, ironiquement, augmentent. Ces frais incluent entre autres les assurances, le déneigement du stationnement, et le fauchage des pistes. Vous devinerez que la hausse des prix du carburant se répercute sur ces sommes: pour la saison en cours, c’est environ la moitié des revenus des ventes d’abonnements qui est allouée aux factures récurrentes; les assurances ont quant à elles grimpé en moyenne de 8% par année depuis le début. Ça en laisse bien peu pour payer la modeste équipe du Mont-Alta!

Pour combien de temps encore?

Cette question, Jason Hodkin se la pose chaque printemps, avant de lancer la pré-vente des abonnements de saison. Les différents défis qui se présentent à lui, notamment les aléas météos, l’aspect financier, et la crainte d’un jour perdre sa petite équipe agrémentent la réflexion annuelle. Heureusement, il peut aussi compter sur une équipe de bénévoles principalement affectée à l’entretien des lieux, ce qui donne une bonne dose d’optimisme à Jason dans ses réflexions. Ainsi, malgré les changements climatiques, le ski au Mont-Alta est encore et toujours possible, et tous les acteurs impliqués souhaitent continuer à améliorer les lieux, accueillir les skieurs et assurer la pérennité des lieux, pour le plus grand plaisir des amateurs de randonnée alpine!

Lectures complémentaires:

  • De nos archives:
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    Geneviève Larivière
    Adepte de plusieurs sports de glisse, Geneviève sépare son temps entre le plein-air, le tourisme, la production de contenu écrit et les photos de chats. En station, vous la retrouverez dans un sous-bois, occupée à contempler le paysage entre deux virages.