Alors que les premiers flocons naturels apparaissent timidement dans les stations de ski favorablement situées, les canons à neige sont prêts à entrer en action afin de recouvrir les pentes, juste à temps pour les ouvertures prévues au calendrier. Les skieurs les plus impatients ont déjà préparé leur matériel, les autres attendent les « vraies » tempêtes avant de s’énerver. Le dernier hiver « El Niño » a laissé un goût amer chez plusieurs; les aléas météo font partie de la réalité avec laquelle les stations de ski -et les skieurs- doivent composer. 

Après les constats, les pistes de solutions

Le 1er novembre dernier, Ouranos rendait public un rapport fort attendu par l’industrie du ski alpin, et plus largement, par tous les acteurs du tourisme hivernal: « Diagnostic de vulnérabilité du système ski alpin face aux changements climatiques ». Ce rapport, fruit d’une étude prolongée sur plusieurs années, brosse un portrait global des différents scénarios pointant à l’horizon des prochaines décennies pour les stations de ski de la province. Après s’être penché, en 2019, sur les impacts économiques actuels des mesures d’adaptation aux changements climatiques, le consortium de chercheurs présente une projection dans les années futures pour l’industrie du ski alpin de la province. L’étude est déclinée en trois projets de recherche: portrait des indices de neige au sol, impacts économiques futurs sur l’industrie, et stratégies pour renforcer l’adaptabilité des stations de ski.

Skier à la grosse pluie au Valinouët, une expérience qu’on ne veut pas revivre de sitôt! L’autrice de ces lignes s’en souvient encore… Photo C. Deschamps

Les scientifiques, qu’on a longtemps préféré traiter de prophètes de malheur, sont maintenant sollicités de toute part pour leurs recommandations: après la prise de conscience, c’est la quête de solutions afin d’être mieux armés face aux bouleversements vécus -et à venir. En quatre décennies, les « prophéties » qu’on repoussait du revers de la main se sont imposées à grands coups et coûts, des inondations aux vents violents en passant par les épisodes de gel-dégel, le tout rendant l’exploitation des stations de ski de plus en plus laborieuse. L’heure n’est plus aux constats mais aux actions concrètes et l’Association des stations de ski du Québec (ASSQ) a déjà entrepris ce vaste chantier, comme l’indique Yves Juneau, président-directeur général de l’ASSQ: « Dans un contexte de transformation et de priorisation des pratiques écoresponsables, l’ASSQ et ses stations membres sont déjà en action et convaincues que tout l’écosystème économique qui gravite autour des stations peut relever les défis liés aux changements climatiques afin de demeurer attractifs pour les mordus du ski et de la montagne, tant au Québec qu’ailleurs au Canada et à l’international ».

Le verre à moitié plein 

Outre la diminution du nombre de jours sans couvert de neige naturelle, l’augmentation des quantités moyennes de précipitations liquides est la projection qui préoccupe davantage l’industrie. Toutefois, le rapport d’Ouranos stipule également qu’il n’y aura pas moins de précipitations solides dans les mêmes horizons. En clair: oui, il y aura davantage d’épisodes pluvieux qui affecteront le couvert neigeux, mais oui, il y aura toujours autant de neige qui tombera naturellement. (Pour les fervents de chiffres, un tableau fort intéressant développe ces projections à la page 24 du rapport. Prenez soin de bien lire les pages suivantes afin d’interpréter le tableau adéquatement.)

On pourra encore admirer ces arbres chargés de neige dans nos paysages hivernaux. Photo prise par Pierre Pinsonnault au Mont Orford, février 2024.

Loin de rester les bras ballants devant les signaux d’alarme qui résonnent de plus en plus fort, l’industrie du ski se mobilise à l’échelle des moyens disponibles pour s’adapter et prévenir les futures sautes d’humeur du climat. Depuis plusieurs années déjà, bon nombre de stations ont investi pour moderniser leurs systèmes d’enneigement et rendre leurs infrastructures plus résistantes. La clé du succès ne repose toutefois pas uniquement sur l’enneigement mécanique; chaque geste compte pour préserver la santé environnementale et la vitalité économique des entreprises. Dans les dernières années, nous avons vu plusieurs stations miser sur le développement d’activités quatre saisons, ce qui a non seulement un impact positif sur la rétention des employés mais aussi sur le rayonnement régional de chaque entreprise. Chaque station met en oeuvre les stratégies qui sont à sa portée.

Les efforts notables de l’industrie

S’attaquer à changer les comportements, actions, décisions et perceptions n’est pas une mince tâche, ni pour les citoyens, ni pour les entreprises. L’ASSQ fait figure de leader par sa réactivité et sa façon d’aborder les stratégies d’adaptation, ce qui donne confiance à ses membres, les stations de ski, dans la réalisation des différents projets. L’Association remet depuis près de quinze ans déjà un prix d’excellence qui récompense les efforts en développement durable. Parmi les récipiendaires, certaines stations obtiennent également des certifications de haut niveau, notamment Tremblant et Bromont, montagne d’expériences. Ces reconnaissances démontrent que les montagnes ne prennent pas les choses à la légère et souhaitent participer activement à assurer la pérennité des sports de glisse au Québec.

Bromont, montagne d’expériences, est à l’avant-plan des études d’Ouranos à cause de sa situation géographique, de ses besoins en enneigement et de ses investissements dans les nouvelles technologies. Photo Éric Boyczun, avril 2024.

Plus récemment, en marge de la publication du rapport d’Ouranos, l’ASSQ a produit un nouvel outil, le « Guide des bonnes pratiques pour le contrôle de l’érosion et du drainage en terrain montagneux ». Ce type d’accompagnement était nécessaire dans un contexte d’adaptation aux changements climatiques car les pluies diluviennes de plus en plus fréquentes ont des effets majeurs sur les terrains aménagés en montagne tels que les pistes de ski, les sentiers de vélo et les sentiers de randonnée. Cet outil supplémentaire s’ajoute à l’ensemble de l’expertise disponible de même qu’aux nouvelles technologies en matière de fabrication de neige, d’entretien des pistes et d’aménagement des milieux naturels en terrain montagneux. 

Et le skieur, dans tout ça?

Le skieur a aussi son bout de chemin à faire. Ajuster ses attentes, ses comportements et ses décisions en fonction des réalités climatiques et météo qui s’offrent à lui. S’informer aux bonnes sources, développer sa curiosité et améliorer sa compréhension des différents rouages qui se mettent en branle afin de lui offrir une descente remplie de virages satisfaisants, tant sur une neige poudreuse intacte que sur un corduroy impeccable. Parce qu’on n’en n’est plus aux prophéties, mais aux actions concrètes. Attendre que la situation se résorbe d’elle-même n’est pas une avenue. Comme le suggère le proverbe: puisque la montagne ne vient pas à Mahomet, Mahomet doit aller à la montagne…

Lectures complémentaires:

De nos archives:

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Geneviève Larivière
Adepte de plusieurs sports de glisse, Geneviève sépare son temps entre le plein-air, le tourisme, la production de contenu écrit et les photos de chats. En station, vous la retrouverez dans un sous-bois, occupée à contempler le paysage entre deux virages.