Ce récit s’ajoute à la collection de la série « Histoires de patrouille ». Ces histoires, rédigées ou racontées par des patrouilleurs de partout au Québec, qu’ils soient retraités ou encore actifs, ont pour but d’humaniser le titre qui fait souvent frémir les skieurs et planchistes en station. Être patrouilleur, c’est bien plus que porter un uniforme, une radio et une trousse de premiers soins… c’est une histoire de dévouement, de passion pour le ski, l’entraide, l’esprit d’équipe et le don de soi. Nous espérons qu’à travers ces récits, votre perception de ceux qui sillonnent les pistes pour assurer la sécurité des skieurs changera pour le mieux!
« Êtes vous intéressée à faire partie de notre équipe? » C’était à l’hiver 1998, une de mes filles s’était blessée et j’avais aidé les patrouilleurs à lui prodiguer les soins nécessaires. Oui j’étais intéressée! Déjà depuis quelques années je me portais volontaire à fermer les pistes avec les patrouilleurs et j’avais la conviction qu’avec ma formation d’infirmière je pourrais être utile à l’équipe. La saison suivante je faisais partie de l’équipe du Massif du Sud en ski alpin après avoir suivi la formation de secouriste. Moi qui était habituée à travailler dans des milieux où tout l’équipement d’urgence est disponible à portée de main, je me retrouvais avec une trousse de premiers soins à 77km de la salle d’urgence la plus proche. Heureusement, la débrouillardise et le travail d’équipe ont fait que je ne me suis jamais sentie démunie loin de ma salle d’urgence!
J’en ai vu de toutes sortes, des « cas », comme on dit. De l’appel pour une cliente avec le visage en sang alors qu’en s’essuyant la coquette avait généreusement étalé son rouge à lèvres, jusqu’au polytraumatisé en état critique, tout peut se présenter… mais une chose est certaine : toutes les histoires qu’on vous raconte dans cette série protègent l’anonymat des blessés ou des personnes citées. La confidentialité fait partie de notre travail! C’est d’ailleurs un de ces cas où la confidentialité était particulièrement importante que je vous raconte aujourd’hui.
Il est un peu après 8h00, un dimanche matin. La station ouvre à 8h30, l’équipe de patrouille est en train de se préparer pour aller ouvrir les pistes une à une, avant l’arrivée des premiers clients. On frappe à la porte du local de patrouille alors que je suis à m’habiller. Je réponds à la porte et devant moi se tiennent une mère au faciès inquiet, avec sa fille postée en retrait. La mère me dit directement: « Je pense que ma fille fait une méningite! Elle a très mal à la tête, pouvez-vous l’examiner? » Voyant l’expression du genre « ado frue » de la demoiselle, j’ai traité le dossier en deux parties. L’achalandage de début de journée avec l’équipe qui se prépare dans le local de patrouille m’a fourni le prétexte nécessaire pour faire attendre la mère dans le corridor, près de la porte du local.
J’ai donc fait entrer la jeune fille, qui marchait sans trop d’énergie, de mon regard, elle manquait de tonus! Elle n’avait pas l’air de filer, en bon québécois. Elle avait aussi une haleine particulière… pour ne pas dire de lendemain de veille… J’entame le questionnaire. Comment te sens-tu? As-tu dormi? As-tu mangé ce matin? Réponses: Bof, pas beaucoup, non. Es-tu sortie hier? Oui… Ok, as-tu le goût de déjeuner? Oui, j’ai faim…
Je suis donc allée voir sa mère pour lui dire que sa fille avait faim, et qu’il serait préférable qu’elle mange quelque chose de soutenant avant de se présenter sur les pistes, si elle en avait vraiment l’intention! Étonnée, la mère me demande « Et pour la méningite?? » Je lui ai répondu que sa fille ne semblait pas présenter de symptômes de cette maladie, mais qu’il valait mieux surveiller son état et revenir nous voir si ça se détériorait au cours de la journée.
J’ai poursuivi ma journée de ski en devoir de patrouille, et j’ai revu la jeune fille en après-midi alors qu’elle descendait du télésiège au sommet de la montagne… les jeunes sont faits forts! Rassurez-vous: je ne l’ai pas trahie! Même si mon coeur de mère avait bien envie… car après tout, elle n’avait pas l’âge requis pour fréquenter les bars! Mais au-delà de ça, la confidentialité et la confiance étaient des principes que je me devais de préserver, en plus d’éviter d’intervenir dans une situation familiale. Je parie que ces histoires de maux de tête ou de coeur trop léger ont dû arriver à bien d’autres patrouilleurs! Car voyez-vous, on ne traite pas que des blessures en ski…