On dit souvent du ski alpin qu’il est le sport multi-génération par excellence: enfants, parents, grands-parents peuvent s’y adonner tous ensemble et partager le bonheur de la glisse. C’est d’autant plus vrai lorsque les enfants « tombent dedans » à un tout jeune âge grâce à leurs parents! Mais qu’en est-il lorsqu’un adulte désire s’y mettre? Bien souvent, les doutes, hésitations et inquiétudes sont un frein au projet. « Je suis trop vieux pour ça ! » L’est-on vraiment? Qu’est-ce qui fait qu’on devient trop vieux pour une activité physique? En réalité, bien peu de choses, au-delà des simples barrières psychologiques. Discussion avec un moniteur autour de la grande réflexion suivante: « Il n’est jamais trop tard pour skier! »

Les embûches

Les excuses et les « défaites », Jean Cherrier les a entendues jusqu’à plus soif. Trop vieux, pas assez forte, peur d’aller vite, trop ceci, peur des blessures, pas assez cela… « Foutaises! » lance-t-il. Celui qui a commencé sa carrière de moniteur à Avila à 55 ans éprouve une grande affection pour toute sa clientèle, peu importe l’âge, mais il admet volontiers avoir un faible pour les « grands enfants ». Autant l’idée de travailler avec des jeunes pour forger et construire la relève lui plait, autant la clientèle adulte le stimule et sollicite sa force: sa grande écoute. Aujourd’hui à l’aube de la soixantaine, il a développé toute une série de trucs pour abattre les craintes des skieurs réticents. Sa tactique? Mettre en confiance, avant toute chose.

Mais comment expliquer l’éventail d’arguments « contre »? D’emblée, le moniteur pointe du doigt le manque de connaissances: « Les fausses perceptions que les adultes peuvent avoir du sport sont souvent alimentées par la représentation dans les médias et les récits d’histoires traumatisantes ». Il est bien vrai qu’on médiatise rarement le petit bonheur bien simple d’une famille en pleine descente dans une piste verte… et bien qu’on puisse se réjouir de voir un Éric Guay, une Marie-Michèle Gagnon ou une des sœurs Dufour-Lapointe triompher à la télé, le patriotisme est très loin lorsqu’on doit se motiver à chausser des skis!

M. Cherrier poursuit sa réflexion: « La plupart des adultes, au début du cours, voient ça très gros et très compliqué. Mon travail est de faire tomber la barrière des craintes et de bâtir la confiance. Mon but avoué est de démolir le mythe de la difficulté! » Et, petit à petit, de victoire en victoire, le moniteur amène son élève au niveau suivant. Jamais trop vite, toujours lorsque l’élève est prêt. Il a même ses phrases préparées, pour chaque inquiétude et chaque scénario. Sa préférée est la réponse au classique « Je suis trop vieux pour ça! »: « Trop vieux pour quoi exactement? Vous y avez pensé, vous en avez envie, et vous êtes ici… vous n’êtes pas à l’abri d’une bonne expérience! »

La piste du succès

Les dernières avancées dans le monde de l’apprentissage de la glisse donnent d’ailleurs un sérieux coup de main aux moniteurs: l’apprentissage basé sur le terrain, cette méthode que les stations privilégient de plus en plus pour les débutants, sert en effet de terrain de jeu idéal pour explorer les nouvelles sensations. Par des côtes, buttes, virages et reliefs sculptés, le skieur peut glisser à sa guise dans un environnement contrôlé et conçu sur mesure pour faciliter la progression. Résultat? Des skieurs moins stressés, le sourire accroché aux lèvres, qui en redemandent! « Quand est-ce que je peux revenir? » Ça aussi, Jean Cherrier l’entend souvent. Mais la phrase qui le réjouit le plus est celle-ci: « Je ne peux pas croire que je me suis privé de ce plaisir aussi longtemps! » Une fois les premières craintes tombées et les premières sueurs froides oubliées, l’adulte ébahi constate: « Je ne pensais pas que c’était aussi facile! » est donc dans le palmarès des phrases prononcées en piste.

Il ne faut pas se leurrer: oui, les chutes sont possibles. Oui, les risques sont présents. Mais bien souvent, les blessures atteignent davantage l’orgueil, et les chutes sont génératrices de rires. Quand tombe-t-on? Dans la découverte et l’apprentissage des sports de glisse, la prise de vitesse est associée à la perte de contrôle, donc aux chutes. Logiquement, c’est le premier combat de tous les moniteurs et grâce à l’apprentissage basé sur le terrain, l’environnement contrôlé diminue grandement les risques de chutes en permettant au débutant de se familiariser graduellement avec les sensations associées à la vitesse. La conclusion est donc facile: en retirant le facteur « stress », on ne garde que le plaisir!

L’allié assuré: un moniteur

En vieillissant, on devient plus facilement conscient de nos « incapacités », et notre logique d’adulte nous pousse à faire appel à des spécialistes, peu importe le domaine concerné. Pour les mêmes raisons qu’on confie notre voiture au mécanicien, notre sourire au dentiste et nos athlètes à des entraineurs, on devrait confier notre apprentissage à un moniteur! Ils sont les plus qualifiés pour nous permettre de chasser les appréhensions et chausser les skis. Ils sont passionnés et partagent quotidiennement avec leurs élèves les joies de l’accomplissement et de la réussite, peu importe la taille de la victoire! Jean Cherrier résume le tout avec une phrase magique: « Rendez-vous service et donnez-vous l’occasion d’apprendre de la bonne façon. Il n’est jamais trop tard pour skier! »

Ce texte a été rédigé pour l’infolettre de Maneige, édition février 2017

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Adepte de plusieurs sports de glisse, Geneviève sépare son temps entre le plein-air, le tourisme, la production de contenu écrit et les photos de chats. En station, vous la retrouverez dans un sous-bois, occupée à contempler le paysage entre deux virages.