Depuis plusieurs années déjà, le vert est sur toutes les lèvres. Qu’il s’agisse de s’acheter une bonne conscience ou de vouloir réellement faire une différence, les actions qu’on pose individuellement au quotidien ont des répercussions sur notre environnement. Le discours n’est plus à tenir, l’heure étant à l’action. Bon nombre d’entreprises ont déjà modifié leurs habitudes pour tendre davantage vers l’idéal de la fameuse empreinte écologique, qu’on cherche à atténuer au mieux de nos capacités. 

Pour chaque saison hivernale que les cycles amènent, l’industrie du ski fait face à des coûts d’exploitation et d’opération qui sont souvent synonymes de maux de tête. D’un côté, on a une station de ski à faire fonctionner et une clientèle à satisfaire; ces objectifs ont un coût. De l’autre côté, on cherche tous les moyens possibles de réduire notre facture, de «faire ce qu’on peut avec ce qu’on a», certains ayant plus de ressources que d’autres. Maintenant, comment réduire ces coûts de production, tout en réduisant notre empreinte écologique, mais en continuant à offrir des produits d’appel qui sauront plaire à une clientèle toujours plus exigeante?

La petite histoire

Depuis quelques temps déjà, la Green Mountain Power (l’équivalent vermontois d’Hydro-Québec) utilise… des vaches. L’idée est partie d’un questionnement simple: quelle ressource a-t-on, directement autour de nous, et comment pourrait-on l’utiliser au maximum? Chassez tout de suite l’image médiévale des vaches qui tournent autour d’un carrousel pour faire fonctionner un télésiège, il s’agit ici d’utiliser le sous-produit des vaches, sans empêcher celles-ci de donner le lait pour lesquelles on les élève!

En 2004, une poignée d’agriculteurs ont accepté une drôle de mission: soutenir la Green Mountain Power dans un projet d’envergure qui, à terme, pourrait transformer le fumier des vaches en électricité. En voilà une idée qu’elle est bonne! L’ingéniosité des vermontois  a donc été mise en oeuvre pour peaufiner la technique de production, qui est maintenant au point. La branche du Cow Power était née et GMP a toutes les raisons d’être fier de son accomplissement. Mais le succès resterait local et de faible envergure sans l’implication des entreprises de l’état, dont plusieurs connues jusqu’ici: Killington Resort, Long Trail Brewing Company, Vermont Hard Cider, Middlebury College, Handy Toyota, Green Mountain National Forest… en tout, c’est plus d’une trentaine d’entreprises locales qui participent au programme Cow Power, et près d’une quinzaine de grandes fermes du Vermont sont reliées au réseau du Cow Power.

Comment ça marche?

The short version is that we take cow manure, work some magic, turn it into methane, and then use that methane to generate electricity. (GMP Cow Power)

Un peu de sémantique pour bien comprendre: le mélange des excréments solides et liquides de la vache (et autres animaux de la ferme) porte le nom de lisier. Du lisier auquel on ajoute de la paille est du fumier. Le liquide qui filtre du fumier s’appelle le purin. Le vocabulaire anglais se résume au mot «cow manure», qui correspond autant au fumier, au lisier ou au purin. Fin de la sémantique.

La plupart des gens connaissent les qualités d’engrais du fumier, autant que les qualités de production de fumier d’une vache… et tout le monde a déjà lu quelque part que les vaches étaient partiellement responsables du réchauffement climatique à cause de l’importante quantité de méthane qui s’échappe du fumier! L’objectif est donc de récupérer le fumier quotidiennement, et d’arriver à en capturer le méthane avant qu’il n’aille embourber davantage la couche d’ozone. (Le méthane conserve vingt fois plus la chaleur que le CO2, d’où son appartenance aux gaz à effet de serre.)

Une fois le fumier récupéré, il faut quand même le modifier pour en extraire un maximum de méthane: c’est la partie «magic». Le fumier, après avoir été mélangé aux eaux grises de la ferme (utilisées au nettoyage des appareils de traite), est quotidiennement acheminé dans un énorme réservoir qui, pendant 21 jours, conservera  et agitera le fumier à une température de 100°F (37,7°C). Cette période dans l’appareil digesteur permettra aux bactéries présentes dans le réservoir de compléter le processus de méthanisation: ce bioprocédé réduit le volume solide et liquide, pour maximiser la production du gaz qui nous intéresse ici. La méthanisation se fait dans une environnement exempt d’oxygène, d’où le terme «digestion anaérobie».

Qu’obtient-on au bout de 21 jours? Du gaz, composé à 60% de méthane et 40% de CO2. Les restes non-gazeux du fumier sont ensuite séparés en liquide et en solide: le liquide est utilisé comme engrais, le solide (formé de foin, de paille, de grains et autres) est compacté pour servir de litière dans les étables. Le gaz prend bien entendu un chemin différent que vous devinerez: il est acheminé à un moteur à gaz naturel modifié pour la bonne combustion du méthane, cette combustion génère l’énergie à l’alimentation d’une turbine, qui à son tour produit l’électricité. Et voilà le travail!

Une fois l’énergie produite, il suffit de l’acheminer aux utilisateurs. Maintenant, vous vous demandez pourquoi Killington figure dans la liste? Depuis le 5 novembre 2013, date d’ouverture annuelle de la station, la télécabine K1 Gondola est alimentée exclusivement par l’électricité venant du Cow Power. Ainsi, vos remontées dans le confort de la K1 sont possibles grâce à 10 000 vaches! Comme quoi, après avoir eu la parole verte, on peut faire le geste vert… Killington, par son implication au programme Cow Power, contribue à réduire ses coûts d’exploitation et son empreinte écologique, en plus de participer directement à la croissance d’une énergie renouvelable. Pas mal, pour un état dont la population totale dépasse à peine celle de la Ville de Québec!

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Adepte de plusieurs sports de glisse, Geneviève sépare son temps entre le plein-air, le tourisme, la production de contenu écrit et les photos de chats. En station, vous la retrouverez dans un sous-bois, occupée à contempler le paysage entre deux virages.