En ce mois d’août 2022, une tempête de neige nous donne du fil à retordre pour traverser la frontière entre le Chili et l’Argentine, notre destination de ski pour les semaines à venir. Un intense système frontal a frappé les Andes durant cinq jours, laissant jusqu’à trois mètres de neige par endroit. Les routes de montagne sont impraticables, les postes frontaliers fermés, les stations de ski inopérables et les équipes de déneigement y vont à un rythme qui feraient perdre la tête à n’importe quel Québécois anxieux de faire ses premières traces. Bienvenue en Amérique du Sud, où les saisons et le rythme de ski sont à l’opposé de notre hémisphère.

Alors il faut voir le bon côté des choses : les montagnes se sont remplies de neige, de beaucoup de neige. Et cela, c’est une bonne nouvelle pour deux skieurs qui entament un road trip à travers le nord de la Patagonie argentine, une région souffrant souvent d’un mince manteau neigeux. De fait, la majorité des systèmes arrive par le Pacifique, frappe les Andes qui agissent comme une barrière, et laisse souvent le double, sinon le triple de neige du côté chilien de la cordillère par rapport au voisin argentin, qui se contente des miettes. Mais cette fois-ci, les choses se passent autrement vu l’ampleur du système, et le côté argentin a reçu sa part du pactole neigeux.

Lorsque les routes finissent par ouvrir, mon ami chilien Filipo Castillo Fuentes et moi-même sommes prêts à traverser du Chili à l’Argentine par le col frontalier international Cardinal Antonio Samorè pour rejoindre notre destination de ski principale : San Carlos de Bariloche, où se trouve notamment Catedral Alta Patagonia, le plus gros centre de ski d’Amérique du Sud.

En station: Catedral Alta Patagonia

Vue sur le terrain alpin de la station Catedral alta Patagonia.

À une quinzaine de kilomètre du centre-ville de Bariloche, une bourgade très touristique d’environ 130 000 habitants, se trouve la station de ski Catedral Alta Patagonia. Avec ses 1150 mètres de dénivelé, 28 remontées mécaniques et plus de 50 pistes balisées, il s’agit d’une destination majeure du ski en Amérique du Sud. Le centre de ski, dont les pistes débutent sous la limite des arbres pour s’étendre ensuite sur plusieurs sommets alpins, offre un terrain de jeu majoritairement intermédiaire et avancé. C’est la seule station dans l’hémisphère sud qui compte sur un téléphérique et un télésiège sextuple, en plus d’avoir une télécabine et plusieurs télésièges débrayables.

Le téléphérique sort des nuages à Catedral Alta Patagonia.

C’est donc une station avec beaucoup de capacité de remontée et du défi en masse, mais c’est aussi très certainement une des plus achalandées. Selon les locaux, nous y sommes lors d’une journée peu achalandée en pleine semaine, et pourtant à certains télésièges principaux l’attente peut atteindre une dizaine de minutes. Mais en choisissant bien ses montées et ses moments, il est aussi possible d’éviter les foules, notamment en skiant aux extrémités de la station, par exemple dans les secteurs d’El Bosque ou des Condors.

En après-midi, la neige prend une texture printanière à Catedral Alta Patagonia.

Côté pistes, il y a de tout pour plaire à tous : des bols ouverts, de larges pistes de carving, d’autres plus étroites serpentant dans la forêt, des options boisées qui ressemblent beaucoup aux sous-bois du Québec, et même des descentes de bosses ponctuées de bambous.

Skier entre les bambous avec vue sur la ville de San Carlos de Bariloche.

Étant une station majeure, Catedral Alta Patagonia compte plusieurs petits restos à travers son domaine skiable et un village alpin de luxe avec des hébergements hors prix. Avec la ville de Bariloche à portée de main, il est facile de se dénicher de l’hébergement beaucoup moins cher, surtout en échangeant ses dollars américains pour des pesos argentins (on conseille de se familiariser avec le concept du dollar blue avant de partir pour couper le coût de son voyage de moitié). À preuve, le billet journalier nous a coûté l’équivalent de 35$US… pour skier la plus grosse station latine!

En ski de rando: Filo de las Cabras (Cerro López)

Les options pour le ski de randonnée d’une journée dans la région de Bariloche sont relativement limitées et il faut monter plusieurs centaines de mètres en bottes avant d’atteindre la neige et de pouvoir mettre les peaux d’ascension. Le Cerro López est un classique du coin; il s’agit d’un large massif montagneux permettant plusieurs options d’ascension et de descentes. Celle présentée ici se nomme le Filo de las Cabras et constitue une ascension d’environ 900 mètres de dénivelé, et davantage si l’on choisit de descendre aussi sur l’autre versant – ce que nous avons fait pour une journée comprenant deux descentes.

Filipo entame la rando skis sur le dos.

Le début du sentier se trouve à l’intersection des Routes 77 et 79 à environ 45 minutes du centre-ville de Bariloche. La première partie se fait en bottes de rando et avec les skis sur le dos, alors le sentier nous mène, 400 mètres de dénivelé plus tard, au refuge Roca Negra où il est possible d’effectuer la transition vers le ski.

Magui, une amie argentine, nous fait découvrir son coin de pays en ski de rando.
Filipo avec en arrière-plan le Cerro López et le lac Nahuel Huapi.

On suit alors le sentier jusqu’à 1400 mètres, où deux options s’offrent : aller à droite vers le refuge López qui se trouve au pied d’un énorme bol, ou continuer à travers la forêt pour atteindre le terrain alpin du Pico de las Cabras où l’on peut descendre sur les deux versants, avec options de couloirs, champs de neige, ski en sous-bois…

En vidéo: descente d’un couloir sur le versant opposé à l’ascension du Pico de las Cabras.

Magui descend dans les boisés sur le chemin du retour.

Cette option de rando d’une journée est vraiment esthétique et les paysages sont à couper le souffle, avec les pics blancs qui s’élèvent du lac Nahuel Huapi, et la descente qui se fait en terrain alpin et ensuite en sous-bois.

Au refuge Roca Negra, où il faut refaire la transition en bottes de rando pour terminer la journée.

Pousser plus loin la découverte : Perito Moreno et La Hoya

À une distance raisonnable de Bariloche, en descendant vers le Sud, se trouvent deux centres de ski aux antipodes de la méga-station Catedral Alta Patagonia : le Cerro Perito Moreno situé à El Bolson (2h de Bariloche) et La Hoya située à Esquel (4h de Bariloche). Il s’agit de deux petites stations authentiques à découvrir pour sortir des sentiers battus.

Sur la route vers El Bolsón.

Le Cerro Perito Moreno (à ne pas confondre avec le célèbre glacier du même nom) est une station qui vaut la peine de s’y arrêter une journée, pour le plaisir, sur le chemin de La Hoya. Elle compte sur un dénivelé d’environ 800 mètres, avec 16 pistes balisées entre lesquelles se trouvent de larges boisés ouverts et cinq remontées mécaniques principales. La majorité du ski se fait dans des pistes coupées à travers la forêt, alors que le terrain alpin est limité avec les remontées mécaniques. Il est toutefois possible d’explorer un large cirque en ski de randonnée et de gagner ainsi quelques centaines de mètres de plus en dénivelé.

Conditions hivernales au Cerro Perito Moreno.
Belle poudreuse damée, ce qui est assez rare ici.
La simplicité de l’endroit se ressent à travers les pomas débrayables.
À l’arrière-plan, le sommet du Perito Moreno.
Au sommet, on entame une descente de 800 mètres de dénivelé jusqu’à la base.
Filipo arrive à la base de la station Cerro Perito Moreno.

La station de ski La Hoya est plus large que la précédente et son environnement est quelque peu atypique. Il s’agit d’un massif qui s’élève au milieu de la pampa patagonienne à quelques kilomètres de la ville d’Esquel (où, fait inusité, il n’y a aucun feu de circulation bien qu’il y ait plus de 30 000 habitants). Le domaine skiable, d’un dénivelé de 650 mètres, prend la forme d’un gros bol dans lequel on compte 30 pistes balisées (il est évidemment possible de skier entre celles-ci) et neuf remontées mécaniques. À la sortie du télésiège Del Filo, on peut grimper quelques dizaines de mètres pour se rendre au sommet du Cerro La Hoya en tant que tel, et admirer un panorama patagonien de montagnes et de plaines infinies à couper le souffle. Le ski de randonnée est plutôt limité à La Hoya, quoiqu’il y a quelques options de descentes supplémentaires en utilisant sa propre volonté.

Froide matinée à La Hoya qui m’a rappelé le climat hivernal québécois… dans un paysage patagonien.
Une partie du terrain de jeu de La Hoya.
Au sommet du télésiège Del Filo, on prend l’ampleur du massif montagneux de La Hoya qui s’élève au milieu de la plaine.
L’auteur de l’article au sommet du Cerro La Hoya.
La ville d’Esquel

Seulement une parcelle de la Patagonie Nord argentine

Le territoire à découvrir est trop large pour en rendre justice en seulement un article. Il existe quelques autres stations, notamment le Cerro Bayo à Villa La Angostura et Chapelco à San Martin de los Andes, ainsi que certaines options de ski de randonnée, par exemple le célèbre Refugio Frei à Bariloche ou le Cerro Piltriquitron à El Bolsón.

Cerro Bayo

De plus, les étendues infinies de la Patagonie ponctuées de nombreux lacs, avec des parcs nationaux aux paysages simplement magnifiques, méritent de prendre le temps d’explorer et de troquer quelques jours de ski pour de la rando en montagne. Le territoire sauvage, vaste et rempli d’animaux invite tout simplement à la contemplation.

Sur la route de Los Siete Lagos entre Villa La Angostura et San Martin de los Andes.
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Pierre Pinsonnault
Son intérêt pour la nature et le grand air se décline en deux principales activités : le ski alpin (sa grande passion) et la randonnée en montagne. Rédacteur professionnel dans la vie de tous les jours, et prenant un malin plaisir à photographier les paysages d’hiver et les skieurs lorsqu'il pratique son sport de prédilection, Pierre aime écrire sur le ski et partager ses expériences, photos à l’appui.