Après avoir essuyé (voire pelleté) un revers du printemps, nous y voici: le mercure se rapproche à nouveau des températures positives, le soleil est de plus en plus présent, la neige a cessé de s’accumuler, les journées allongent, et, signe annonciateur irréfutable, les stations de ski préparent leur traversée annuelle d’un lac/étang/mare aux canards. Oui: le printemps est arrivé!

Pauvre hirondelle, qui doit en prendre pour son rhume depuis plusieurs années déjà… car elle ne fait plus le printemps depuis bien longtemps! Non, ce qui fait le printemps, c’est: les circulaires bourrées de pneus d’été (en pleine tempête de la Saint-Patrick), les promotions sur les tondeuses (j’ai encore un mètre de neige dans ma cour), les appels pour les ouvertures de piscine (non, je ne l’ai pas dégelée au chalumeau), les maillots de bain placardés partout (quand on a justement besoin… d’une paire de mitaines!), bref, ce qui fait le printemps… c’est la société de consommation. (Aïe, vous ne l’attendiez pas celle-là, hein? Pardon, je sais, ça fait mal.)

L’hiver souffre d’un décalage « consommatware ». On magasine des habits de neige en plein mois de juin (vécu chez Costco!) et quand on réalise en novembre que le pantalon de ski de la plus grande est devenu trop petit, il n’y en a plus un seul de la bonne taille en magasin. On achète Halloween en septembre, la rentrée scolaire le 15 juillet, les bikinis en février, la Saint-Jean après Pâques, et Noël toute l’année, parce qu’on fait semblant de ne pas vouloir coller aux dates obligatoires d’une fête commercialisée. Pardon?

L’hypocrisie de la consommation a changé énormément nos habitudes. Il est presque impossible d’acheter quelque chose au moment où on en a réellement besoin. Soit parce que c’est bien évidemment pas disponible à un prix abordable, quand ce n’est pas carrément introuvable, rupture de stock mon pauvre monsieur. Il faut tout prévoir d’avance, au cas où. Prévoir la poussée de croissance, prévoir la tendance, prévoir le besoin qui n’arrivera peut-être même pas! C’est-y pas formidable, ça, on réussit à prévoir qu’on se créera un besoin, dans six mois! Mais on oublie une chose… tout change. Rien n’est permanent. Surtout pas l’hiver, surtout pas le printemps.

Pour la grande majorité de la clientèle des skieurs et planchistes, la fin de la saison de ski, c’est après la relâche. Dans leur esprit, les vacances d’hiver sont terminées, les chances d’aller faire du ski sont presque réduites au néant et quand Madame entreprend son ménage du printemps, hop, les affaires de ski prennent la direction du grenier.
– Au diable les journées de bosses juteuses, c’est pour les maniaques.
– Oui mais il fait beau et chaud!
– Ah mais non, le ski, c’est l’hiver, avec les flocons, et le chocolat chaud!
– Ah bon? Je croyais que vous détestiez avoir froid, et que vous en aviez marre de geler des pieds, et que vous aviez hâte qu’il fasse plus chaud?
– Euh…

Quand en plus on est bombardés de BBQ en spécial-ajoutez-un-ensemble-en-osier-et-payez-dans-six-mois, difficile de garder en tête qu’il y a encore des mètres cube de neige à skier en montagne! Exception faite d’il y a deux ans, où le printemps s’est fini en trois heures bien comptées, les stations font toujours face au même dilemme: étirer ou ne pas étirer l’ouverture. Les skieurs fidèles regrettent les fermetures qu’ils considèrent comme prématurées, mais le fait est là, implacable: malgré toute la neige, la grande majorité des skieurs désertent les stations.

Qui, parmi les skieurs plus passionnés, n’a pas fait face au regard médusé de son voisin tondeuse à la main, alors qu’il chargeait sa voiture de ses skis? « Quoi, c’est pas fini encore, ça!? » On se fait traiter d’irréductibles, on se fait gentiment taquiner « Heille, j’ai sorti mon vélo, tsé! », la ville nous rappelle que les pistes cyclables seront balayées et ouvertes le 1er mai, et quand on croise des voitures avec des kayaks sur le toit, effectivement, on se sent un peu décalés. Mais c’est le décalage dans le bon sens!

J’ai une suggestion pour vous, skieurs et planchistes… Au lieu de chialer en décembre que la neige n’est pas au rendez-vous « comme dans le temps », il faudrait peut-être penser à aller skier quand elle est là, au sol!? Ne cherchez pas plus loin. Les stations de ski cessent leurs opérations car elles roulent à perte, au printemps. L’électricité, le personnel, les pistes… ça coûte des gros sous tout ça. Et si les skieurs ne se présentent pas au rendez-vous que la neige leur donne, le livre comptable est formel, on doit fermer. Car ce qui fait défaut dans cette industrie, depuis plus longtemps que le réchauffement climatique, ce n’est pas la neige: c’est l’argent. Il fond plus vite que les glaciers et se renouvelle tout aussi difficilement!

Donc, soyez des consommateurs rebelles! Résistez à l’appel de la tondeuse, ne rangez pas vos skis, et faites mentir les stations: répondez « Présents! » quand elles demanderont « Mais où sont les skieurs? »

« It ain’t over until it’s over! » … C’est pas fini, tant que c’est pas fini ;)

Bon ski de printemps!! (Et n’oubliez pas la crème solaire sur les genoux, si vous skiez en shorts…)

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Geneviève Larivière
Adepte de plusieurs sports de glisse, Geneviève sépare son temps entre le plein-air, le tourisme, la production de contenu écrit et les photos de chats. En station, vous la retrouverez dans un sous-bois, occupée à contempler le paysage entre deux virages.