La fameuse question saisonnière « Quand surviendra la première neige? » apparait un peu moins fréquemment sur les réseaux sociaux, où l’on publie davantage des images des essais des canons à neige, qui provoquent tout de même de vives réactions. De l’enthousiasme à l’incompréhension en passant par les critiques, on voit de tout et il semble que le métier de neigiste soit encore plutôt méconnu!

La fabrication de neige, en bref

Nous avons déjà publié un article expliquant l’origine et le fonctionnement des canons à neige (lisez l’excellent texte de mon collègue Marc-Antoine en suivant ce lien). En résumé, peu importe le modèle de canon à neige, celui-ci demande de l’eau, de l’air, et des conditions gagnantes pour permettre la cristallisation des flocons dans l’air ambiant. À noter qu’il est erroné d’employer le terme « neige artificielle » pour parler de la neige de culture… car on skie bel et bien sur des gouttes d’eau cristallisées en flocons, qu’ils soient issus du ciel ou d’un canon!

L’enneigement est en cours dans une piste de la Station Touristique Stoneham. Photo d’archives de décembre 2023, par Nicolas Dussault

Au Québec, sur les 75 stations de ski de la province, une soixantaine sont équipées de quelques unités jusqu’à quelques centaines de canons à neige pour préparer la saison de glisse. La fabrication de la neige ne permet pas que d’étirer la saison en provoquant un début hâtif mais assure également une répartition du couvert neigeux dans certains secteurs plus difficiles à recouvrir à cause de leur relief: on pense aux endroits traversés par des ruisseaux, à des secteurs rocheux ou encore à des pentes trop abruptes pour être praticables naturellement en début de saison.

Des équipes dévouées

Les neigistes -employés des stations attitrés à la fabrication de la neige- travaillent très souvent dans l’ombre, au sens propre comme au figuré: les meilleures fenêtres d’enneigement sont évidemment par temps froid, généralement la nuit. Certaines stations qui ont des équipes suffisamment nombreuses peuvent continuer la production de jour, lorsque les conditions le permettent. Les opérateurs de dameuse doivent travailler de concert avec les neigistes afin de « respecter le produit »: il faut attendre un certain délai avant d’entreprendre d’étaler un amoncellement de neige pour permettre à l’humidité et à l’eau résiduelles de s’échapper. Un travail mécanique trop hâtif provoque une neige durcie désagréable sous les spatules.

La préparation des surfaces est très importante pour garantir une glisse agréable sur neige fabriquée. Photo d’archives de décembre 2023, par Nicolas Dussault

Dans un article de blogue très complet, Le Massif de Charlevoix donne quelques chiffres: il faut 45 jours entiers, à raison de deux équipes de cinq neigistes, pour arriver à enneiger toutes les pistes propices à la fabrication de la neige. Dans les Cantons-de-l’Est, à Bromont, montagne d’expériences, c’est une équipe de 12 neigistes de jour et 12 de nuit qui s’alternent sur des quarts de travail de 12 heures. (Apprenez-en davantage sur les préparatifs pré-saison dans ce super article sur le blogue de la station.)

Faire feu de tout… flocon

La période de la mi-octobre à la mi-novembre est à la fois cruciale et incertaine pour enclencher la production de neige et les équipes sont sur le qui-vive dès les premières fenêtres de froid. Bien sûr, pour générer de la curiosité, de la hâte et de l’engouement, les gestionnaires des réseaux sociaux publient de jolies images d’arbres encore habillés des couleurs d’automne, avec des canons à neige en fonction pour leur période de test. Ces tests sont primordiaux au bon fonctionnement des systèmes d’enneigement puisqu’ils permettent de détecter et réparer tout éventuel dommage ou fuite d’air ou d’eau, les deux ingrédients nécessaires à la fabrication de la neige. Effectuer les tests avant l’arrivée des périodes de production est donc tout à fait logique et normal.

Cette année particulièrement, plusieurs réactions plutôt négatives ont été vues sur les pages des stations ayant publié des photos des tests de canons à neige, allant des critiques sur la consommation d’énergie et d’eau jusqu’au choix d’effectuer ces tests alors que les températures étaient très douces, clairement non-propices à la fabrication de neige. D’abord, n’oublions pas que dès que la production commence, les employés travaillent dans le froid, à la noirceur… tous ces gens sont fort heureux de pouvoir profiter de températures plus clémentes pour réaliser les étapes de préparation à l’enneigement!

Un employé du Sommet Saint-Sauveur vérifie le fonctionnement d’un canon à neige. Photo G. Larivière

De plus, le bon fonctionnement de tous les systèmes garantit son efficacité énergétique, c’est donc aussi par souci d’économie que chaque composante des systèmes est soigneusement inspectée et testée. Evelyne Déry, de Bromont, montagne d’expériences, explique: « La vérification et les tests des tuyaux d’eau, des valves, des pompes et des compresseurs se fait au printemps, à la fin de la saison de ski. C’est le moment où on note tout ce qui doit être réparé. Nous effectuons ensuite les réparations durant l’été et nous faisons de nouveaux tests à l’automne sur l’ensemble du système d’enneigement. Nous avons, à Bromont, une équipe à la fabrication de neige qui travaille toute l’année et qui s’assure d’effectuer tous les entretiens des équipements dédiés en respectant les calendriers des manufacturiers. » 

Les cimes des arbres sont recouvertes d’une fine couche de neige après une séance d’enneigement réussie à Bromont, montagne d’expériences. Photo G. Larivière

On voit de plus en plus les stations poursuivre l’enneigement jusqu’à tard en février; ces décisions ont un impact sur la dépense énergétique et les stations font face à un choix difficile: préserver et garantir un couvert neigeux suffisant et sécuritaire, ou réduire les dépenses, donc réduire l’offre de domaine skiable. C’est évidemment le genre de décision qui change grandement l’expérience ski en piste!

Contrôle et respect des ressources

Concernant l’utilisation de l’eau, il ne faut surtout pas s’imaginer que les stations pigent dans le réseau d’aqueduc municipal pour recouvrir les pistes de neige…  Josée Cusson, directrice communications et marketing pour l’Association des stations de ski du Québec, explique simplement le processus: « L’eau utilisée est de l’eau d’emprunt; c’est-à-dire que les stations prélèvent de l’eau à la fin de l’automne et au début de l’hiver pour la transformer en flocon, à partir de différentes sources selon leur emplacement: rivière, lac, bassin de rétention, etc. Au printemps, lors de la fonte des neiges, l’eau ruisselle au bas de la montagne et retourne vers un cours d’eau et son bassin versant. »

Le bassin d’eau qu’on peut parfois apercevoir au pied de la station de Vallée-du-Parc. Photo G. Larivière

Il est important de noter que les prélèvements d’eau au Québec sont réglementés par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs. Mme Cusson ajoute que la responsabilité de la saine gestion des ressources d’eau incombe aux stations: « Depuis 2010, les stations de ski doivent déclarer annuellement leur volume de prélèvement d’eau à leur bureau régional en environnement. » 

La pensée ZoneSki

Au Québec, nous avons la chance de bénéficier d’une énergie dite verte, puisque renouvelable, par le biais de l’hydroélectricité. Cette énergie, disponible à peu de frais pour la clientèle résidentielle, a toutefois une facture beaucoup plus élevée pour les entreprises qui enregistrent de grandes demandes. Dans le cas qui nous occupe, la demande vient également de la pression de la clientèle, que les stations de ski chercheront toujours à satisfaire. Est-ce que l’atteinte de la satisfaction de cette clientèle ne passerait pas aussi par une bonne éducation sur les enjeux et coûts réels liés à la fabrication de la neige? Nous le croyons, et espérons de tout coeur que nos lecteurs en ont appris davantage grâce aux articles que nous produisons.

Lecture complémentaire

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Geneviève Larivière
Adepte de plusieurs sports de glisse, Geneviève sépare son temps entre le plein-air, le tourisme, la production de contenu écrit et les photos de chats. En station, vous la retrouverez dans un sous-bois, occupée à contempler le paysage entre deux virages.