Le Terremoto blanco, ou « tremblement de terre blanc » en français, est une expression apparue en août 1995 pour décrire l’occurrence d’un phénomène naturel consistant en de fortes chutes de neige dans le sud du Chili. Depuis, des phénomènes du même type, parfois locaux, reçoivent cette qualification qui, dans l’imaginaire collectif chilien, réfère à une tempête pouvant perdurer plusieurs jours. La station de ski Corralco, située au pied du volcan Lonquimay dans la Reserva Nacional Malalcahuello, se trouve bien souvent être l’épicentre d’un tel phénomène.

« Je regarde l’enneigement depuis longtemps dans la région de Lonquimay. Ce que je constate, c’est que cette partie des Andes reçoit le plus de neige annuellement », lance James Ackerson, directeur général de cette station de ski devenue la toute dernière à voir le jour au Chili.

Une montagne bien ensevelie

Lors de notre passage à la fin d’août 2014, nous avons constaté qu’effectivement la neige ne manque pas à Corralco, même dans le cadre d’un hiver difficile en Amérique du Sud. De plus, ayant suivi les prévisions météorologiques quelques semaines avant notre arrivée là-bas, nous avons été témoins d’un système qui a laissé près de deux mètres de neige au début du mois d’août. Serait-ce là un terremoto blanco? En tout cas, la tempête dura plusieurs jours, allant même jusqu’à ensevelir le nouveau téléski Cumbre, qui transporte les skieurs en haut du domaine skiable.

Outre quelques grosses tempêtes, les précipitations neigeuses sont fréquentes en Araucanie, où se trouve Corralco. Justement, un 15 centimètres de neige fraîche tombée la nuit avant notre arrivée nous offre les conditions parfaites pour découvrir le terrain de cette station de ski présentant un dénivelé d’un peu moins de 900 mètres, et comptant sur six remontées mécaniques (deux télésièges, un téléski, deux pomas et un câble) pour desservir le domaine skiable.

Le terrain et l’expérience de glisse

Notre première journée de ski à Corralco, le 24 août 2014, se passe à l’intérieur des limites de la station. Arrivés au chalet de la base, nous empruntons un télésiège double qui nous fait gravir le premier 60 mètres de dénivelé; il s’agit du secteur débutant, parfait pour l’apprentissage du ski avec sa pente peu inclinée mais constante. Les choses sérieuses débutent par la suite, lorsque nous transférons dans El Volcan, l’autre télésiège double nous montant jusqu’à environ la moitié du dénivelé total. Les champs de neige s’ouvrent des deux côtés sur une inclinaison plus abrupte, tantôt modelés en demi-lunes naturelles grâce aux sillons laissés jadis par les coulées de lave. Nous nous élançons donc pour une première vraie descente, traçant la neige dans cet environnement épuré, oubliant totalement que nous sommes en plein mois d’août. À travers ce terrain de jeu s’apparentant à des dunes de neige, nous remarquons quelques couloirs damés qui plairaient sûrement aux skieurs aimant ce type de pistes.

Nous nous dirigeons ensuite vers le nouveau téléski Cumbre, installé cette année. Cette remontée en surface, indispensable pour accéder à la totalité du dénivelé même lors des journées venteuses, nous transporte au plus haut point du domaine skiable, à 2 400 mètres d’altitude. Au sommet, le préposé et la patrouilleuse de service, fortement exposés au vent, se sont construit un igloo de fortune à défaut de disposer d’une cabane pour s’abriter. Ils se font néanmoins un plaisir de nous orienter vers quelques lignes à descendre à travers la montagne, ce qui nous aiguille un peu plus sur le potentiel du domaine skiable. Les descentes où nous imprimons nos traces dans la neige fraîche se succèdent; mais comme les conditions météorologiques sont encore à la tempête et que la visibilité en milieu alpin s’en trouve réduite, nous restons sages malgré la tentation d’aller explorer plus loin. Ce sera pour demain…

Dix centimètres supplémentaires tombés à la faveur de la nuit, combinés à l’effet du vent, effacent totalement les traces de la veille. Sous un ciel bleu azur, nous entamons notre deuxième journée à Corralco en enlignant quelques descentes de poudreuse à l’intérieur des limites de la station de ski, avant de pousser plus loin notre exploration en attaquant le terrain « double losanges » situé aux confins du domaine skiable. Nous y trouvons un pur plaisir : la pente est inclinée, les descentes sont longues, la poudreuse vole à chaque virage que nous dessinons avec nos skis dans ces immenses champs de neige… Cette sensation d’amplitude est exaltée par le panorama magnifique qui s’offre à nos yeux; nous sommes en effet dans ce qu’on appelle la « région des volcans », ce dont témoignent les multiples cônes s’élevant à l’horizon.

Au-delà des limites de la station, les possibilités de traverses à gauche comme à droite nous dirigent vers des espaces alpins où la neige est encore intouchée, moyennant quelques efforts d’ascension au début de la descente ou de marche à la fin pour revenir à une remontée mécanique.

Après cette journée d’exploration aux alentours de la station, il nous reste un but à atteindre : le sommet du volcan Lonquimay!

L’ascension et la descente du volcan Lonquimay

Le lendemain est dédié à l’atteinte de ce but. Au sommet du téléski Cumbre, nous prenons quelques instants pour préparer l’ascension. Une fois les skis accrochés au sac à dos et les crampons fixés à nos bottes de ski, nous entreprenons la montée du volcan – il est aussi possible de le faire en peaux de phoques. Deux guides de montagne de Corralco, bénéficiant d’une journée libre, décident de venir avec nous. Les deux Javier nous avouent qu’ils accompagnent rarement des clients au sommet du volcan, ces derniers préférant plutôt des randonnées autour des montagnes environnantes. Ils profitent donc de l’occasion pour monter – pour l’exercice disent-ils – tout en se faisant un plaisir de partager avec nous les spots de backcountry dans les alentours.

L’ascension dure environ deux heures à un bon rythme, sur une pente constante avoisinant les 40 degrés et glacée par endroits – d’où la nécessité des crampons –, à quoi s’ajoute une sensation d’essoufflement due au manque d’oxygène à une certaine altitude. Mais l’effort offre sa récompense : rien de tel comme la sensation de se trouver en haut d’un volcan enneigé qui domine les montagnes environnantes, sur le bord de son cratère à observer le paysage, avant d’embarquer sur ses skis et descendre 1400 mètres de dénivelé sur de la neige non tracée, jusqu’à la base de la station de ski.

Du sommet, nous avons accès à plusieurs choix de descentes. Il s’agit de bien analyser l’enneigement, surtout en fonction du vent, pour s’assurer de ne pas s’élancer sur une surface glacée ou ventée, par exemple. Après avoir décelé une belle ligne sur l’une des faces du volcan, nous entamons notre longue descente; celle-ci débute avec une bonne inclinaison, pour ensuite s’adoucir en une pente constante d’environ 35 degrés sur plusieurs centaines de mètres. Enfin, la partie inférieure du volcan présente une pente plus douce, ce qui permet de terminer cette descente inoubliable en faisant de beaux grands virages plus relaxes dans la neige vierge.

Le Valle Corralco Hotel & SPA

Après la journée, il est possible de se laisser glisser jusqu’à la porte du Valle Corralco Hotel & SPA, situé à un jet de pierre de la station de ski, où piscine, séances de massage et bonne cuisine attendent les skieurs pour la soirée. Inauguré en juin 2013, tout juste pour le début de l’hiver austral, le Valle Corralco Hotel & SPA est un hébergement 5 étoiles moderne qui compte 54 chambres modernes et confortables, un bar et un restaurant, une halte-garderie et plusieurs autres services. Tout cela sans oublier les sympathiques employés de l’hôtel qui, toujours souriants, se font un plaisir d’accommoder les visiteurs. Un service de guides de montagne est également offert sur place pour des expéditions de tout type, allant de la simple randonnée en forêt jusqu’aux descentes en backcountry sur les montagnes environnantes.

Le futur

Signe d’une station qui veut désormais jouer dans la cour des grands, les projets pour déployer Corralco ne manquent pas sur le bureau du directeur général, James Ackerson. « À bien des égards, il s’agit de l’endroit ayant le plus de potentiel de développement actuellement », soutient le gestionnaire qui a grandi sur les pistes de Sugarbush au Vermont. Avant d’atterrir ici, son parcours au sein de l’industrie du ski l’a notamment mené à occuper des postes de gestion à Portillo et Valle Nevado.

Pour l’hiver 2015, celui-ci souhaite démarrer une opération de Catski sur une des montagnes adjacentes au volcan Lonquimay, en vue d’offrir des descentes en milieu alpin qui se termineront en ski de sous-bois entre les araucarias. De plus, d’ici quelques années, la station devrait ajouter une remontée mécanique – peut-être même deux – afin d’agrandir encore le domaine skiable. M. Ackerson travaille aussi sur un plan directeur pour un village alpin, qui devra toutefois se déployer à l’extérieur des limites du parc national, donc à quelques centaines de mètres plus bas que la base du centre de ski; en parallèle, le projet prévoit une remontée mécanique entre le futur village et la montagne, à la fois pour faciliter le transport des skieurs et pour minimiser le trafic automobile.

Pour faire de Corralco une destination de choix, ses gestionnaires misent sur une stratégie qui se joue sur deux plans : régional et international. « Sur le plan régional, le défi consiste à faire éclore une culture du ski parmi la population locale. Pour cela, il faut “créer” de nouveaux skieurs, et c’est pourquoi nous mettons sur pied des programmes avec les écoles publiques de la région, afin que les élèves puissent venir skier gratuitement trois fois par semaine. En parallèle, nous développons les marchés sud-américain et nord-américain en misant sur notre environnement alpin unique, notre terrain intéressant et notre enneigement exceptionnel », affirme cet Américain qui a adopté le Chili.

Méconnue, mais plus pour longtemps

Il ne vous reste plus qu’à attendre l’hiver austral – de juin à octobre – pour aller vous-même skier sur les pistes de ce volcan à la morphologie impressionnante. Mais n’attendez pas trop : si la station de ski reste encore assez méconnue aujourd’hui, elle risque de devenir plus populaire avec tous les développements anticipés dans les prochaines années. Pour l’instant, Corralco reste peu achalandée, ce qui fait le bonheur des skieurs lors d’une journée de poudreuse – et il y en a fréquemment! Prêt pour un terremoto blanco?

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Pierre Pinsonnault
Son intérêt pour la nature et le grand air se décline en deux principales activités : le ski alpin (sa grande passion) et la randonnée en montagne. Rédacteur professionnel dans la vie de tous les jours, et prenant un malin plaisir à photographier les paysages d’hiver et les skieurs lorsqu'il pratique son sport de prédilection, Pierre aime écrire sur le ski et partager ses expériences, photos à l’appui.