En juin dernier, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec Brett Anderson, météorologue en chef à Accuweather. D’entrée de jeu, disons-le : je ne suis pas férue de la météo, je ne connais rien aux nuages et aux modèles météo, je sais lire un baromètre, je connais les vents dominants… et je ne suis pas une exception ! Bien que je puisse nommer des gens qui confirment ma règle, je n’ai pas de connaissances exceptionnelles et je redoutais un peu cette entrevue, de crainte de me retrouver coincée, sans questions pertinentes à poser à cet homme. J’ai heureusement eu la chance d’assister à une conférence qu’il a donnée lors du dernier congrès regroupant les stations de ski de l’est du pays, de l’Ontario aux Maritimes. Soulagement : Brett Anderson s’exprime avec un vocabulaire compréhensible et est un excellent vulgarisateur ! Voici donc le compte-rendu de mon entrevue, en français. L’entrevue est quant à elle disponible ci-bas, en version intégrale, en anglais, sans sous-titre.

Brett Anderson a été invité par les associations des stations de ski à s’exprimer à propos du dernier hiver qui, comme on le sait, a été plus que laborieux pour l’ensemble des stations de l’est du Canada et des États-Unis. Températures au-dessus de la moyenne, fenêtres de production de neige limitées, faibles précipitations neigeuses, pluies : tout ce cocktail a donné un vilain rhume à l’industrie du ski, qui cherche encore à comprendre comment tout ça a pu se passer. Les statistiques ont démontré que l’hiver 2011-2012 est le 3e plus chaud jamais enregistré, et le 2e plus pauvre en précipitations. Brett Anderson l’a surnommé « Perplexing winter »… c’est tout dire.

D’abord, notre spécialiste météo nous le dit : même la meilleure boule de cristal n’aurait pu prédire avec une certitude inébranlable ce qui s’est réellement produit. Lorsque les météorologues ont émis leurs premières prévisions en octobre 2011, ils se sont basés sur une série d’outils, comme à leur habitude. Parmi leurs outils : les années analogues, utilisées en comparaison afin d’avoir une idée partielle de la future saison hivernale ; l’état des courants atlantique et pacifique, la température de la surface des eaux des océans et des Grands Lacs ; et finalement, la présence de la Niña, avec une influence faible à modérée. Ajoutons une longue série de modèles météo (Brett Anderson préfère le modèle européen) et l’expérience des scientifiques. Une fois toutes ces données colligées, la conclusion fut : nous aurons un hiver plus rude qu’à la normale, mais plus neigeux. 

Autopsie d’une prévision ratée : voyons maintenant ce qui s’est réellement produit ! Les années analogues n’ont été d’aucune utilité : pas une seule des 5 années analogues utilisées en comparaison n’a eu un hiver comme celui que nous venons d’avoir. Les courants atlantiques quant à eux ont eu une influence supérieure à la moyenne, annulant l’effet de la Niña et empêchant les tempêtes de s’attarder sur la terre et d’y laisser des traces; et les vents de surface provenant des Grands Lacs ont été inconstants, faisant en sorte que les tempêtes étaient brèves et peu chargées en précipitations neigeuses. Rajoutons en cerise sur le gâteau que l’air humide provenant du Pacifique augmentait sérieusement l’humidité ambiante, donnant des nuits plus « chaudes », réduisant ainsi les fenêtres de possibilité de fabrication de neige…

Aura-t-on d’autres hivers de ce genre ? Brett Anderson est d’avis que oui, mais pas de manière récurrente. Il est flagrant que nous vivons un réchauffement climatique : les températures moyennes hivernales ont grimpé de 3 degrés Celcius dans les 65 dernières années, et la tendance n’ira pas à reculons. La plupart des météorologues s’accordent pour dire que l’impact ne se sentira pas directement ici quant à l’accumulation de neige, mais se vivra plus directement par la diminution de capacité d’enneigement mécanique –un impact direct sur nos saisons de ski.  Les effets s’accentueront avec les années, mais d’après Anderson, les skieurs n’ont pas à craindre pour leur sport préféré pour les 20 prochaines années.

À quoi peut-on s’attendre pour l’hiver prochain ? La question est sur toutes les lèvres, et ce, depuis les premiers rayons du soleil en Mars… Brett Anderson nous donne quelques indices, mais il faut absolument garder en tête qu’il est encore trop tôt pour prédire de manière fiable ! Les prédictions les plus fidèles sont toujours disponibles à partir de la fin du mois d’octobre, et plus le mois de novembre progresse, meilleures sont les informations que les météorologues nous transmettent. Pour l’instant, ce que nous pouvons dire de l’hiver prochain : l’année analogue utilisée sera l’année 2006-2007 ; les eaux de la côte ouest seront plus froides que la normale ; et nous verrons peut-être un retour de El Niño, avec une influence faible à modérée. En se fiant à ces indices, on peut imaginer un hiver plus chaud au nord, plus sec à l’ouest (Colombie-Britannique), avec des températures dans la moyenne à l’est, mais une plus forte probabilité de tempêtes dans les Maritimes.

En conclusion : bien malin qui peut s’avancer, encore une fois ! De notre côté, nous ferons bien sûr tout dans notre pouvoir pour vous indiquer où se trouvera le meilleur ski, entre autres grâce à notre Horoscope du Skieur… mais d’ici là, qui vivra verra !

Brett Anderson tient un blogue sur la météo canadienne et sur les changements climatiques, ses deux passions de météorologue. Vous pouvez le lire sur accuweather.com.

Visionnez l’entrevue intégrale (en anglais) :

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Adepte de plusieurs sports de glisse, Geneviève sépare son temps entre le plein-air, le tourisme, la production de contenu écrit et les photos de chats. En station, vous la retrouverez dans un sous-bois, occupée à contempler le paysage entre deux virages.