Au début de la saison, nous avons appris l’existence de ces skis pliables. Une brève recherche sur Internet nous indique qu’il s’agit de la version « consommateur » créée par Elan, qui a d’abord conçu et produit avec succès des skis pliables utilisés entre autres par les troupes militaires slovènes. Les Elan Voyager sont donc le petit frère « grand marché » de la version militaire, nommée IBEX Tactix. Leur apparition date d’il y a quelques années et le IBEX est aussi offert en ski de touring; le Voyager a fait son entrée officiellement en 2021.
Le Voyager est offert en trois déclinaisons de coloris, mais la construction du ski demeure identique peu importe la couleur choisie. Disponible en trois longueurs (160, 166 et 172cm), il présente une ligne de cote de 127-78-110, pour un rayon de 14,9m. Ce sont donc de fiers représentants de la catégorie all-mountain. Deux options d’équipement sont disponibles à l’achat, soient l’ensemble « en déplacement » et l’ensemble « citadin ». Le sac de transport de l’ensemble « en déplacement » est d’un plus gros format, pourvu de roulettes, et permet d’emporter davantage de matériel et vêtements pour un séjour un peu plus long.
Pour l’essai, nous avons eu l’ensemble « citadin », dont le sac de transport contient skis, bâtons télescopiques, et de quoi nettoyer et assécher l’équipement avant de le ranger. Le poids de la paire de skis est de plus de 7 kg (pour les 172cm), le reste du sac et des accessoires est relativement léger. Nous avons fait tester les skis par plusieurs types de skieurs, et voici ce qu’ils en ont pensé!
Nicolas Dussault: skieur intermédiaire, longueur testée: 160cm.
J’ai adoré ces skis car ils allaient bien à différentes vitesses, et dans différents types de terrains. Sur le damé, ils répondent bien en virage et peuvent prendre une bonne vitesse tout en restant stables; ils étaient également agréables à utiliser à très basse vitesse. Je suis un skieur lourd et malgré tout, je ne les sentais pas mous. Attention toutefois de ne pas les porter à l’envers! Une inscription subtile sur la spatule donne l’indication du sens correct. Carrément impossibles à skier lorsque mis à l’envers… on se demande soudainement pourquoi on est devenu un si mauvais skieur, jusqu’à ce qu’on se rappelle de ce détail.
Le système de montage est ingénieux, mais il faut tout de même forcer un peu, ce qui est difficile (voire frustrant) à l’extérieur lorsqu’il fait froid. Le mode d’emploi est simple et facile à comprendre. Ces skis n’ont pas que des qualités : ils sont très lourds (3400g/ski pour les 160cm) et esthétiquement peu attrayants. Et surtout, ils sont très chers si on compare avec d’autres skis de type all-moutain.
L’éléphant dans la pièce: pourquoi achèterait-on des skis pliables? Je tente une réponse! L’une de mes récentes motivations à remplacer mon petit VUS par une mini-fourgonnette a été de vouloir transporter mes skis en compagnie de mes deux enfants et ce, de façon sécuritaire, sans m’embarrasser d’une boîte de transport sur le toit ou autre support à skis. S’il y avait des skis pliables de qualité à prix raisonnable sur le marché, cela pourrait faire partie des incitatifs à revenir à une voiture un peu plus petite dans les prochaines années.
Jacques Boissinot: skieur expert, longueur testée: 172cm.
Le ski pliable m’a agréablement surpris. Après quelques virages on oublie la fonction pliable et on profite de la douceur de glisse du ski. J’aime skier vite et ce ski ne m’a pas déçu. Je l’ai poussé à 86km/h sur les pistes et il est resté stable et précis. Je suis habitué à des skis de performance qui sont vifs et réactifs, mais mes genoux en paient le prix. Les Voyager étaient tout le contraire; j’aurais pu passer la journée sur les pistes sans fatiguer mes vieilles articulations.
Aspects positifs:
– Le ski est facile à transporter et son sac est bien conçu.
– La glisse est sans surprise et le ski est très stable à haute vitesse.
– Les bâtons télescopiques, fournis avec les skis, sont très facile à ajuster et légers.
– L’ensemble ski et bâtons dans son sac est facile à transporter, prend peu de place dans une valise de voiture et est peu encombrant pour voyager, soit en avion ou en train.
Aspects négatifs:
– Le mécanisme du loquet qui fixe la plaque pivotante est difficile à manipuler « à sec » et la difficulté augmente avec la neige après une session de ski.
– Le système de blocage des freins, qui permet de plier les skis, est difficile à actionner (loquet vert fluo), on a un peu peur de se pincer les doigts en le manipulant.
– Bien que les skis soient fournis avec un linge pour essuyer les carres, le sac semble conserver l’humidité et les carres rouillent facilement.
En conclusion, j’ai aimé les skis à l’essai sur neige. Par contre, je me demande si le produit est approprié pour le marché québécois: ceux parmi nous qui aiment voyager pour aller dans l’Ouest canadien le font souvent pour skier la poudreuse, donc des skis plus larges seraient de mise, malgré la polyvalence du Voyager. Quant à l’espace occupé par le sac une fois le tout plié et rangé, c’est un aspect moins important pour moi puisque je possède une voiture au coffre spacieux. Cependant, le marché européen me parait davantage approprié pour ces produits.
Sarah-Anne Vidal: skieuse intermédiaire, longueur essayée: 172cm.
C’est avec un intérêt mitigé que j’ai fait l’essai des skis pliables Voyager de Elan. Après une seule descente, j’ai changé d’avis quant au produit : je suis très agréablement surprise!
À première vue, les skis peuvent sembler difficile à manipuler, à plier/déplier. Après un ou deux essais pour se familiariser avec les leviers et les étapes à suivre, c’est dans le sac, et on gagne de la vitesse en manipulation! La conception est facile, intuitive et robuste : ces skis sont faits pour durer. En piste, on ne pourrait aucunement croire qu’ils ne sont pas fabriqués tout d’un bout : on ne sent aucune ondulation ou vibration.
J’ai voulu tester les Voyager sur tous les terrains. Dans le damé, ils répondent particulièrement bien. On n’a pas à se battre pour tourner : une fois le virage entamé, le ski fait le reste du travail. Avec un rayon de 14,9m, ce ski classé all-mountain arrive au maximum de ce qu’il peut offrir lorsqu’on visite les sous-bois. Son poids vient jouer contre lui hors des pistes damées, d’autant plus que sa largeur au patin n’est que de 78mm. On ne flotte pas sur la neige profonde avec les Voyageurs. Après essai, je classerais davantage ce ski comme un ski de piste pour sa personnalité.
Un bref aperçu de Sarah-Anne en piste avec les Voyager:
Des skis pliables, mais pourquoi donc? Pour le Québec, voire le Canada, je ne comprends pas l’utilité de posséder cette paire de skis lorsqu’on constate le prix très élevé à l’achat (près de 2 000$). Toutefois, en Europe par exemple, où les transports en commun arrêtent à la base des montagnes et où en général, les appartements sont plus petits, c’est une toute autre réalité.
Patrick Teasdale: skieur intermédiaire-avancé, longueur essayée: 172cm.
Avant de sauter en piste, j’ai longuement analysé le mécanisme fixation-charnière et les skis dans leur ensemble. Le système de charnières est plus que solide une fois positionné pour la descente. La plaque de carbone de la fixation est très solide. La finition est impeccable; le concept innovateur d’intégration des pièces métalliques de la charnière dans la base est d’une grande efficacité.
En skiant, on n’a aucune perception du fait que les skis sont pliables: ceux-ci procurent un bon rebond en sortie de virage, la transition est facile d’un virage à l’autre et d’un carre à l’autre, la rigidité du ski est constante selon la force appliquée. Aucun doute possible: les Voyager inspirent confiance en descente sur le damé. C’est d’ailleurs à mon avis leur terrain de prédilection, bien qu’ils soient cotés all-mountain. J’ai eu une révélation en skiant: il me faut des skis joueurs et prévisibles comme ça! J’ai eu la sensation d’être devenu un meilleur skieur après quelques heures d’essai.
Après mes essais, quelques questions demeurent dans mon esprit. Je serais curieux de connaitre la résistance à la rouille pour les parties métalliques du mécanisme: il faut en effet accorder un bon moment au séchage et nettoyage des pièces afin de s’assurer que la neige fondue en eau ne s’accumule pas à l’intérieur des différents mécanismes. Aussi, qu’arrive-t-il lors des entretiens (cirage/aiguisage) en atelier? Même si la manipulation des skis est plus facile au chaud qu’au froid, je trouve qu’il persiste de bons risques de couper nos gants ou nos mains nues à cause des gestes qui nous obligent à tenir les skis par les carres. Globalement, même si le ski est très agréable à skier en piste, son poids ainsi que son prix à l’achat me font me demander si le Québec a besoin de ces skis.
Voici une démonstration de l’utilisation du mécanisme par Jacques Boissinot:
Geneviève Larivière: skieuse avancée, longueur essayée: 172cm.
C’est d’abord la curiosité qui m’a fait essayer ces skis pliables. Après avoir inspecté le mécanisme sous tous ses angles, force est d’admettre que la robustesse est au rendez-vous, mais qu’en est-il une fois en piste? J’ai été confondue!
Mise à carre facile, virages agréables, aucune mauvaise surprise en terrain damé. Mais c’est mal me connaitre que de s’imaginer que j’en resterais là… il fallait bien sûr que j’aille mettre les Voyager à l’épreuve dans les sous-bois! Après quatre virages tout en méfiance, je me suis rendue à l’évidence: ces skis ont de multiples personnalités! Lorsqu’on change de posture pour se regrouper et adopter la bonne position pour des bosses et des sous-bois, on oublie la raideur qu’on avait apprécié en piste, et qui nous faisait redouter un terrain accidenté: ils sont tout aussi maniables et même un peu joueurs. Le poids plutôt élevé des skis, pourtant facile à oublier sur le terrain travaillé mécaniquement, devient encombrant lorsqu’on veut skier de manière dynamique en accumulant un peu de « air-time ».
Une petite note sur l’allure du ski: je ne suis pas du genre à choisir des skis pour leur aspect cosmétique, mais les skis testés (Voyager Black) sont très sobres et je ne les considèrerais pas en premier si j’avais à choisir un design particulier. Ceci étant dit, concernant leur utilité: serait-ce un ski pour les skieurs qui chercheraient à ne posséder qu’une seule paire, convenable dans toutes les conditions, pour en profiter à tout moment entre deux rencontres Zoom en s’évadant du mini-condo au pied des pistes? On peut se questionner, puisque le télétravail, qui est devenu la norme pour bien des gens, a peut-être redéfini la façon de consommer le ski.
La pensée ZoneSki
Au-delà des essais et des questionnements, il n’en demeure pas moins que ces skis à charnières sont une belle invention. Tant sur l’aspect mécanique que pour la robustesse ou le plaisir de les skier, tout y est et c’est une fort belle innovation. Cependant, comme l’indiquent nos testeurs, la curiosité du matériel n’en garantit pas l’achat! Lorsque qu’interrogé à ce sujet, Gabriel, un employé de SkiTown, nous a affirmé qu’aucune paire de Voyager n’avait encore été vendue à la boutique. Certes, le personnel reçoit beaucoup de questions de la part des clients qui passent devant le présentoir installé à côté des caisses. La curiosité est grande, mais les gens demeurent perplexes quant à la pertinence du concept ainsi que de la solidité-rigidité du produit. Sans oublier que le prix de vente fait froncer les sourcils!