Il ne s’agit pas de poids santé, mais bien de largeur de skis. En parcourant les multiples catalogues des fabricants, la tendance est claire. Abstraction faite des skis de haute performance (et encore), les skis deviennent plus larges et les « super size » sont mis de l’avant. L’image d’un jour de poudreuse, d’une haute montagne des Alpes ou de l’Ouest. La sensation de flotter, palettes de 110mm aux pieds, en sillonnant la neige profonde, est certainement parmi les fantasmes les plus intimes des skieurs. En station, le constat est aussi assez facile à faire, on voit des skis de plus en plus larges. Ceci étant dit, vous et moi, chers Lecteurs, vivons dans une région du globe ou les bordées sont malheureusement un peu plus modestes. Par surcroît, l’hiver 2015-2016 a été particulièrement pénible au niveau des accumulations. Froid, petites accumulations de neige, redoux, pluie et la ritournelle s’est répétée encore et encore. Résultat, c’est sur des bases fermes que l’on a passé le plus clair de notre temps. Je lance donc la question la question: est-ce que nous skions des skis trop « fat » pour les conditions du Québec ?

Petit rappel:

Il y a une quinzaine d’années, les skis qualifiés de « all mountain » tels que le Salomon X-Scream et le Head Monster ( l’ancienne mouture, évidement) avaient des mensurations beaucoup minces qu’aujourd’hui. En effet, ces derniers mesuraient (beaucoup) moins de 80 mm au patin. La stratégie marketing de l’époque prônait la versatilité et l’option de tout faire avec une seule et unique paire de ski. Les pionniers du genre réussissaient assez bien à remplir leurs promesses.

Ma vision des choses:

Personnellement, mes « fat skis » ne sortent qu’en quelques rares occasions. Mon ski tout terrain a un peu moins de 90 mm de largeur au patin. Il permet d’être confortable dans une certaine quantité de neige fraîche et a un comportement acceptable sur une surface durcie. Il porte donc assez bien son titre de “tout terrain”. Ce n’est pas un ski de poudreuse,  ce n’est pas un ski de piste non plus. Dans des situations extrêmes, j’avoue que j’apprécierais davantage de portée quand les accumulations dépassent les 20 à 30 cm. À l’inverse, si on compare son comportement à un vrai ski de piste, on se rend rapidement compte que ce n’est pas optimal non plus. Le ski est beaucoup moins agile et réactif. Évidemment, lorsque les conditions sont durcies, j’ai la sensation que les carres commencent à être passablement loin l’une de l’autre. Le mouvement d’angulation devient plus exigeant. Pour arriver à tout faire, il faut mettre de l’eau dans son vin. L’évolution et le choix des matériaux pour améliorer la rigidité et la stabilité des skis sont indéniablee. La forme du ski, en plus d’avoir une fonction spécifique, en devient-elle aussi une question d’esthétique? En haute montagne, la largeur est essentiellement question de flottabilité. Les skis de piste sont, quant à eux, plus étroits mais moins versatiles. Considérant le fait que l’on se retrouve plus souvent qu’autrement sur une base ferme, est-ce que mon ski tout terrain est trop large pour être un choix judicieux? À la limite, est-il dangereux?

Biomécaniquement, que se passe-t-il?

N’étant pas expert dans le domaine, j’ai questionné le skieur professionnel et kinésiologue Frédérik Lépine sur sa perception du sujet.

Q. En station, est-ce que vous remarquez plus de skieurs avec des skis “Fat” qu’auparavant ?

R. “Oui! Il y a de plus en plus de skieurs qui optent pour ce type de skis.”

Q. Selon vous, est-ce une question de mode ou de fonction?

R. “Personnellement, je crois que pour certaines stations de ski au Québec, on parle définitivement d’une mode. Dans le Sud du Québec, on retrouve presque toujours des surfaces assez fermes. Il est rare de ne pas ressentir le sol. Par contre, plus au nord du Québec tel que la Gaspésie, Charlevoix, Bas St-Laurent et le Saguenay, ces skis sont nettement plus appropriés compte tenu de la qualité de la neige qu’on retrouve dans ces régions.”

Q. Quels sont les impacts pour la mécanique humaine d’utiliser un ski large sur une surface ferme?

R. “Les fat skis augmentent la résistance aux genoux à cause du levier qui devient amplifié. Imaginez de clouer un 2×4 au centre d’une feuille de plywood et ensuite, tenter de renverser la planche de plywood. Vous vous apercevrez de la force nécessaire . Personnellement, il faut s’assurer que la neige soit molle afin d’éviter tout stress en torsion aux genoux particulièrement.”

Q. Est-ce que, selon vous, les skieurs du Québec utilisent des skis trop larges?

R. “Il faut se questionner surtout de nos besoins. La vraie question devrait être: « À quel moment devrions-nous les skier? » Les fat skis sont de bons skis et pour en profiter au maximum, il faut les mettre seulement quand les conditions de neige sont favorables. Selon moi, ce type de ski peut être conservé sur plusieurs années parce que je recommande d’avoir au moins deux paires de skis si on veut skier confortablement et efficacement. “

L’industrie dans tout ça?

Il est pertinent de se questionner aussi sur ce qui influence l’offre des manufacturiers. Est-ce que l’élargissement des skis est une question de fonction ou est-ce une mode ? Benoit Lalande, Product Manager chez Nordica, nous répond d’emblée: “C’est les deux, des all mountain à 70mm, ça ne se fait plus. Au Québec, les journées de poudreuse sont rares. Des largeurs de 75 à 80 mm répondent aux besoins des skieurs. La série GT est adapté aux skieurs d’ici. Les largeurs y varient de 74mm à 84mm dans cette gamme. “

Série GT de Nordica 2016-2017

Sommes toutes, choisir un ski « fat » n’est pas totalement dénué de sens. Il faut cependant considérer que ce type de ski, aussi bon soit-il, n’est pas adapté à toutes les surfaces. Votre choix de ski doit être cohérent avec votre profil de skieur. Observez les conditions et utilisez un ski qui saura répondre à vos besoins afin de tirer le maximum de votre expérience, surtout sur les pentes du Québec. Certaines circonstance suggèrent qu’il serait préférable d’opter pour un ski ayant un profil un peu plus maigre pour ménager vos articulations. En d’autre cas, le rêve devient beaucoup plus concret.

Je laisse le mot de la fin au président de ZoneSki.com:

“Dis-moi que je vais skier toute ma vie dans la glace, j’arrêterais “drette-là” le ski… Si je sors mes fat trois ou quatre fois par hiver, je vais être heureux quand même!”  – Christophe Deschamps, Président, ZoneSki.com

Je tiens à remercier Frédérik Lépine pour son temps et son implication dans cette chronique. Frédérik est Kinésiologue et entraîneur personnel chez Nautilus Plus, formateur de moniteur de ski niveau 4 de l’AMSC et moniteur de ski à Bromont, Montagne d’expériences. Il est possible de suivre les conseils de Frédérik sur Facebook et sur sa chaîne Youtube

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David est d'abord un spécialiste de la vidéo, de l'image et des technologies télévisuelles qui s'y rattachent. Jadis instructeur, patrouilleur et technicien d'atelier, ces expériences lui ont permis de bien maîtriser les différentes facettes du monde du ski. Aujourd'hui, c'est plus de 25 ans de passion sur les pentes qu'il exprime à travers les chroniques qu'il rédige.